En tant que propriétaire d’actifs rattaché à une compagnie d’assurance, agir pour une économie plus durable est à la fois un impératif, et un devoir.
Le dérèglement climatique s’est accéléré au cours des dernières années ; il entraîne des impacts financiers et sociétaux croissants.
En tant qu’assureur, notre mission est de préparer l’avenir de nos clients, et de le rendre plus sûr. Cela signifie d’agir comme un filet de sécurité. Pourtant, une hausse de la fréquence et des coûts des sinistres menace notre modèle d’activité.
En tant qu’investisseur, nous avons une responsabilité fiduciaire vis-àvis des clients. Nous devons offrir des rendements financiers constants à nos parties prenantes. Ne pas s’engager à limiter le dérèglement climatique peut avoir un impact négatif sur la performance des portefeuilles qui nous sont confiés – par le biais d’actifs échoués1 ou à travers le coût d’une compensation carbone.
D’un point de vue sociétal, les risques climatiques sont une préoccupation majeure pour les citoyens de nombreux pays. C’est aussi un risque fort pour les entreprises, et un enjeu croissant pour les Etats. Nous devons donc agir pour être à la hauteur de la responsabilité que nous portons vis-à-vis de nos parties prenantes.
Afin de réduire les émissions carbone et développer la croissance durable, nous devons collectivement transformer la production d’énergie mais aussi son mode de distribution et de consommation. A l’échelle mondiale, la transition énergétique pourrait nécessiter 18 000 milliards de dollars de capitaux additionnels d’ici 2030.2 A l’échelle de l’Union Européenne, la commission estime que les besoins de capitaux additionnels pour atteindre les objectifs de la transition énergétique sont d’environ 200 milliards d’euros par an jusqu’en 2030.3
Les investisseurs ont un rôle crucial à jouer. Cela commence par la décarbonation.
En se fixant des objectifs de réduction de l’empreinte carbone des portefeuilles d’investissements, nous incitons les entreprises à faire évoluer leurs modèles économiques. Il s’agit d’un mouvement mondial, porté par la Net-Zero Asset Owner Alliance pour les propriétaires d’actifs. Cette alliance, présidée par Guenther Thallinger, membre du Board d’Allianz SE, impose à ses membres un objectif de neutralité carbone dans leurs portefeuilles d’investissements à horizon 2050. A moyen terme, Allianz s’engage à diviser par deux les émissions carbone de ses portefeuilles d’actions et d’obligations d’entreprise à l’horizon 2030, par rapport à l’année 2019, et d’aligner ses investissements immobiliers sur une trajectoire bas-carbone à l’aide de la méthodologie CRREM4.5 Cela implique d’augmenter en parallèle le poids des actifs verts dans nos portefeuilles. A ce titre, Allianz France a investi près de 700 millions d’euros en actions et obligations dans les énergies renouvelables en 20226, et renforce ses investissements à impact pour développer des solutions bas carbone innovantes, tels que l’hydrogène vert, le biogaz ou encore le méthane. L’innovation doit aussi viser la réduction de la consommation énergétique dans nos bâtiments. La meilleure énergie est celle que nous ne consommons pas. Ainsi, Allianz France a investi près de 1,5 milliard d’euros en immobilier certifié durable en 2022. Les clients peuvent s’associer à la démarche d’investissements verts, notamment à travers la mise en place d’unités de compte thématiques pour le financement de projets d’infrastructures durables.
Les enjeux de la transition énergétique sont globaux, mais les solutions doivent aussi être locales. Limiter le réchauffement climatique ne doit pas se faire au détriment des citoyens. A ce titre, Allianz France a créé une approche d’investissement régionale, pour répondre aux besoins des territoires. Pourtant, des défis majeurs persistent – notamment liés à la taille des projets et à leur viabilité – et ces-derniers entravent l’accélération des financements. Cela entraîne un niveau de complexité ou de risque inadapté aux contraintes de rendement et de solvabilité d’un propriétaire d’actifs. En effet, notre mission première est de protéger les actifs de nos clients. Alors, comment aller plus loin ?
La collaboration avec le secteur public est une clé. Les Etats peuvent créer un terrain favorable aux investissements privés, par la mise en place d’objectifs de transition énergétique clairs, et d’un cadre réglementaire stable et transparent. Les financements publics peuvent permettre de réduire le risque et de renforcer la rentabilité de projets énergétiques innovants, à l’image du véhicule développé entre Allianz Global Investors et la Banque Européenne de Développement pour le financement de projets verts dans un stade de développement très précoce.7 Au-delà d’une coopération forte entre les secteurs public et privé pour partager le risque, une réforme de la méthode de calcul du coût du capital serait un levier supplémentaire pour les assureurs, si elle vise à réduire la charge de capital associée aux actifs verts. Ainsi, nos capacités d’investissement dans le financement de la transition énergétique seraient accrues.
Pour renforcer l’efficacité de notre action au service des citoyens, nous devons enfin développer une vision holistique de l’investissement durable, en liant de façon croissante les aspects environnementaux et sociaux dans nos décisions d’investissement.
Au fond, il est indispensable d’agir dès aujourd’hui, sans attendre un système idéal. Le temps nous est compté. En tant qu’investisseur, notre action doit avant tout partir d’une conviction, et se refléter dans notre gouvernance, avec des changements tangibles dans notre organisation, et dans notre façon d’investir. Ces changements doivent être communiqués de façon transparente à nos parties prenantes, pour renforcer la prise de conscience générale. La réglementation favorise ce mouvement, à travers les exigences renforcées de l’article 29 de la loi Energie Climat, qui encadre la publication de notre rapport d’investissement durable8. Il s’agit d’une base pour agir avec crédibilité, et donner du sens et l’envie à chacun de faire plus et d’innover. Ainsi, nous pouvons faire vivre notre raison d’être : créer des solutions d’investissements durables ensemble.
1. Il s'agit d'actifs en portefeuille dont la valeur serait fortement diminuée en raison d'une absence d'adaptation et d'anticipation des enjeux climatiques
2. A Blueprint for the Energy Transition, BCG, septembre 2023
3. Unlocking investment in the energy transition, European Comission
4. Carbon Risk Real Estate Monitor
5. Allianz annonce son premier plan de transition vers le zéro émission nette avec des objectifs intermédiaires à horizon 2030 sur ses principaux segments d'activité, septembre 2023
6. Il s'agit de fermes solaires et de champs éoliens en France et en Europe
7. Emerging Market Climate Action Fund
8. Rapport investissement durable 2023 d'Allianz France
Matthias SEEWALD,
Membre du comité exécutif d'Allianz France, en charge des investissements