La transformation des métiers de la finance sous l’effet des réglementations extra-financières européennes

MATÉO DJOUADI, Chargé d’innovation Finance Durable et Solidaire,  Finance Innovation

MAXIMILIEN NAYARADOU, Directeur Général,  Finance Innovation


Les métiers de la finance sont en pleine mutation sous l’effet des nouvelles réglementations extra-financières européennes.

Taxonomie verte, CSRD, SFDR etc.) En imposant aux entreprises des obligations en matière de durabilité, de responsabilité sociale et de transparence, ces règles transforment en profondeur le monde financier. Ainsi, on observe, dans tous les secteurs de la finance l’émergence de nouveaux métiers et la redéfinition des rôles existants. Ces évolutions règlementaires modifient à la fois les pratiques et les compétences requises au sein des organisations.


L’essor de la finance durable : une diversification des profils recherchés
Depuis quelques années, les recrute-ments d’experts en finance durable se multiplient. Les profils varient : analystes ESG, chargés de reporting RSE, chargé de mission biodiversité, gestionnaires de fonds à impact... Le métier de « chief sus-tainable finance officer » ou « chief im-pact officer » as vu le jour. Ces nouveaux postes témoignent de l’importance crois-sante de la durabilité au sein des direc-tions financières, qui doivent dorénavant veiller à la conformité des entreprises face aux règlementations et engage-ments pris en matière de responsabilité sociale et environnementale imposent aux entreprises et aux institutions financières de rendre compte de leur impact environnemental et social, mais aussi de maîtriser l’impact de leur chaine de valeur, et de mesurer et de mettre en place des plans d’actions afin de limiter cet impact. Cela nécessite de s’appuyer sur des équipes spécialisées, capables de collecter, analyser et intégrer des données extra-financières dans leurs processus de décision, mais aussi de comprendre et saisir l’impact qu’elles ont, aussi bien d’un point de vue consommation carbone, que d’un point de vue, impact sur la biodiversité.


Ces obligations règlementaires, ont fait de la donnée extra-financière le nouvel «  or noire » de la finance. Il faut donc former les équipes à la maîtrise de ces données, dont les sources et les sujets sont divers et variés.


De plus, il est devenu vital de pouvoir se projeter dans le futur et maîtriser les potentiels risques climatiques (sur les portefeuilles, investissements, actifs réels etc.), cela implique donc d’avoir des équipes d’ingénieurs capables de simu-ler des stress-test climatiques, ou de dé-velopper des modélisations climatiques, afin de pouvoir générer des scénarios, et ainsi prendre des décisions éclairées.


Une réorganisation interne et une montée en compétences
Au-delà des nouvelles embauches, cette transition impacte l’organisation interne des entreprises. Les collaborateurs, qu’ils soient banquiers, asset managers ou même responsables des systèmes informatiques, doivent acquérir de nouvelles compétences. L’un des principaux défis de cette transformation réside dans l’implication de l’ensemble des collaborateurs. Mettre en place une stratégie RSE ambitieuse au siège de l’entreprise est une première étape, mais pour qu’elle soit véritablement efficace, elle doit être déployée à tous les niveaux de l’organisation. Cela implique non seulement la formation des équipes financières, mais aussi des fonctions support et des commerciaux, qui doivent tous comprendre pourquoi ces nouvelles exigences existent et quels sont les enjeux sous-jacents.


Par exemple, un directeur des systèmes d’information (DSI) doit aujourd’hui com-prendre les enjeux liés à l’impact envi-ronnemental de son infrastructure infor-matique, évaluer le bilan carbone de ses équipements et maîtriser les probléma-tiques liées à l’obsolescence des tech-nologies. Cela modifie non seulement les fiches de poste, mais également les prio-rités stratégiques des entreprises.


Les équipes en contact direct avec les clients, notamment dans le secteur bancaire ou de la gestion d’actifs, doivent également être formées à ces nouvelles réalités. Il ne suffit plus de proposer des produits financiers performants : il faut aussi être en mesure d’accompagner les clients dans des choix plus durables, en tenant compte de leurs aspirations environnementales et sociales. Cela passe par une connaissance fine des produits financiers à impact et des outils de suivi de la performance extra-financière.
Les réglementations extra-financières forcent ainsi une refonte des processus internes, mais elles transforment également la culture d’entreprise. Les directions doivent désormais sensibiliser leurs collaborateurs aux questions de durabilité et de responsabilité sociale.


Une collaboration renforcée entre fonctions financières et extra-financières

La frontière entre les métiers financiers traditionnels et les nouvelles fonctions liées à la durabilité tend à s’estomper. A plusieurs niveaux et dans tous les secteurs, ces deux fonctions se sont rapprochées. Par exemple, les stratégies d’investissement des asset managers ou fonds d’investissements, ne peuvent plus se passer de l’intégration des critères et enjeux de l’ESG. Ainsi, les deux fonctions doivent donc se coordonner et cocréer lesdites stratégies. Cela vaut aussi pour les évaluations des risques et les prises de décisions. En effet, une banque ou un asset manager, ne peut plus fonder ses décisions d’investissements et de financements uniquement sur des critères de risques financiers, la notion de risque extra-financiers (risques physiques, risques de biodiversité, risques de réputation etc.) n’est plus négligeable.


Le même constat peut être fait quant à l’attribution de prêts, les critères purement financiers se couplent désormais à des critères extra-financiers et à la notion d’impact.
Cela vaut aussi pour les obligations de reporting, ces derniers ne concernent plus uniquement la performance financière, ils intègrent en effet des aspects extra-financiers, nécessitant ainsi une collaboration renforcée des équipes.
Ainsi, ces interactions entre la performance financière et l’impact qui, il y a encore quelques années étaient peu courantes, deviennent la norme dans l’ensemble du secteur financier.


Une transformation nécessaire pour un avenir durable
La transformation des métiers de la finance, sous l’impulsion des régulations européennes, est un processus inévitable mais bénéfique. Elle pousse les entreprises à repenser leurs modèles économiques en intégrant des critères durables et responsables. Si cette transition est encore en cours, elle représente une opportunité pour les acteurs financiers de se réinventer, de réinventer leur métiers et de contribuer activement à la lutte contre le changement climatique et à la réduction des inégalités.

MATÉO DJOUADI
Chargé d’innovation Finance Durable et Solidaire,  Finance Innovation

MAXIMILIEN NAYARADOU
Directeur Général,  Finance Innovation