Une gigafactory de production de batteries électriques dans la région des hauts-de-France ; des fermes éoliennes flottantes en mer Méditerranée ; la rénovation énergétique des établissements scolaires à Strasbourg ; le déploiement de centrales solaires photovoltaïques en Espagne ou encore la restructuration du réseau de bus de Dakar : ce ne sont que quelques exemples d’investissements réalisés récemment par la Banque européenne d’investissement. Leur point commun ? Tous ces projets visent à lutter contre le réchauffement climatique, s’adapter à ses effets et avoir un impact durable sur l’environnement.
Bras armé financier de l’Union européenne, la BEI appartient à ses 27 Etats-membres. Elle a pour mission de soutenir des projets favorisant les priorités et objectifs de l’Union européenne, au premier rang desquels le Pacte vert européen. Ce dernier prévoit d’en faire le premier continent parvenant à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Depuis 2019, la banque publique de l’UE a pris la décision d’accélérer sa transformation en banque européenne du climat afin de répondre aux défis d’une décennie particulièrement critique pour parvenir à inverser la tendance et limiter le réchauffement de la planète. Une transformation concrétisée dans l’adoption de sa feuille de route climatique à travers trois engagements : augmenter la part de ses financements annuels en faveur de l'action climatique et environnementale à plus de 50 % d'ici 2025 ; soutenir des investissements verts à hauteur de 1 000 milliards d'euros sur la décennie 2020-2030 ; enfin aligner toutes ses nouvelles opérations sur les principes et les objectifs de l'Accord de Paris.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Nous avons dépassé ces objectifs, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Nous sommes en avance sur l’engagement de dépasser 50 % d’investissements verts d’ici 2025. Ce pourcentage a très fortement augmenté, atteignant 58% en 2022. Dans certains pays comme la France, il est nettement supérieur avec plus des deux tiers du volume de prêts consacrés au financement des énergies renouvelables, à la décarbonation de l’industrie, à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et au développement des mobilités durables.
Deuxième engagement, nous sommes sur la bonne voie pour tenir l’objectif de générer à travers notre action 1000 milliards d'euros d'investissements verts d'ici 2030. Avec des financements dans ce domaine passés de moins de 20 milliards d'euros en 2018 à plus de 35 milliards d'euros en 2022, notre action a permis de mobiliser 222 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans la transition énergétique. Pionnière dans l’émission d’obligations vertes dès 2007, la BEI a, à titre d’exemple, tout récemment souscrit à hauteur de 150 millions d’euros en tant qu’investisseur de premier rang à la première émission obligataire verte de l’équipementier automobile Valeo. Elle a ainsi contribué au succès d’une opération d’un montant total de 600 millions d’euros d’investissements verts, en attirant plus d’investissements du secteur privé dans la transition énergétique.
La banque qui avait été la première des institutions multilatérales de développement à prendre l’engagement de mettre en conformité ses investissements avec l'Accord de Paris a également mis en place, en 2021, l’alignement de ses contreparties. Les entreprises de secteurs particulièrement polluants pour lesquels cet alignement n’est pas encore possible doivent s’engager sur des plans précis de décarbonation d’ici à 2030 et la BEI est en mesure de les accompagner et les conseiller à cet effet. C’est la première grande échéance sur la route de la neutralité carbone pour l’UE qui à travers le plan « Fit for 55 » s’est engagé à réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre dès la fin de cette décennie par rapport à leur niveau de 1990.
Davantage que le volume des financements, nous sommes attentifs à leur caractère innovant. L’appui financier dont a par exemple bénéficié l’industriel Emotors pour ses investissements en R&D dans les nouveaux moteurs électriques automobiles ou le sidérurgiste Arcelor Mittal pour la décarbonation de sa production d’acier en témoignent. Cette préoccupation s’explique par deux raisons : d’une part, l’innovation contribue de manière décisive à apporter des solutions au défi climatique et d’autre part, certains projets très innovants, parfois plus incertains et risqués comme dans des technologies nouvelles comme l’hydrogène vert, sont susceptibles de rencontrer des difficultés pour récolter des fonds auprès des acteurs bancaires traditionnels. C’est également le rôle de la BEI de venir pallier aux failles de marché lorsque ces financements viennent à manquer pour ces projets plus risqués.
Avec la pandémie de covid-19 puis la guerre en Ukraine, l’Europe a également mieux pris conscience de l’importance vitale de renforcer son autonomie stratégique dans des secteurs où elle est trop dépendante des approvisionnements étrangers. Ces enjeux de souveraineté dans des secteurs aussi divers que l’énergie, la santé et la défense ont amené la BEI à investir plus dans des industries et des technologies contribuant au renforcement de cette autonomie et à la relocalisation de chaînes de valeur. Ce sont des priorités essentielles pour maintenir la compétitivité européenne et accélérer la transition vers une économie bas carbone.
Rouage essentiel de la réponse énergétique européenne à l’agression russe en Ukraine, la BEI a ainsi fortement augmenté ses investissements dans le cadre du plan RePowerEU visant à mettre fin à la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes. D’ici à 2027, la BEI va investir 45 milliards d’euros supplémentaires dans la production d’énergie propre, l’efficacité énergétique et des technologies novatrices de stockage de l’électricité ou dans l’hydrogène bas carbone. C’est la meilleure manière de garantir l’autonomie stratégique à long terme de l’Europe tout en mobilisant des financements supplémentaires pour la transition énergétique auprès des secteurs public et privé.
Cette stratégie de renforcement de la souveraineté européenne se décline également à travers des investissements dans la décarbonation de l’industrie et le numérique. La BEI vient ainsi d’accorder à l’entreprise AESC un financement de 450 millions d’euros pour la construction d’une gigafactory de batteries électriques qui permettra à partir de 2025 d’alimenter 200 000 véhicules électriques produits chaque année par le constructeur Renault. Un autre projet de gigafactory avec la start-up grenobloise Verkor, dont la BEI a déjà financé le centre d’innovation et une ligne pilote de production à Grenoble, est en cours de finalisation à Dunkerque. Dans le domaine de la souveraineté numérique, cette même logique a amené la BEI à soutenir les investissements en R&D du leader européen du cloud OVHcloud avec un prêt de 200 millions et l’industriel franco-italien STMicroelectronics dans les semi-conducteurs via un nouvel investissement de 600 millions d’euros.
La BEI Collabore avec la Commission européenne pour renforcer la réduction des risques liés aux investissements innovants et écologiques dans le cadre du programme de garantie InvestEU. Elle finance également chaque année des milliers de PME et de start-up pour les aider à prendre ce virage vert. Une action menée à travers les prêts intermédiés via ses partenaires bancaires dans toute l’Europe et l’action du fonds européen d’investissement (FEI), sa filiale dédiée au financement des petites et moyennes entreprises via des mécanismes de garantie et de financement de fonds d’investissements dans les technologies vertes. Afin de combler les lacunes du marché pour permettre aux futures licornes de trouver en Europe les fonds propres dont elles ont besoin pour se développer à un stade avancé, le groupe BEI a enfin lancé en 2023 un fonds de fonds à travers l’Initiative « Champions technologiques européens ». À ce jour, cinq pays de l'UE (Allemagne, Belgique, Espagne, France et Italie) ont rejoint le fonds dont les engagements représentent près de quatre milliards d’euros.
Il est important de souligner que la BEI poursuit tous ces objectifs en investissant également hors de l’Union européenne. L’an dernier, au terme de la première année d'existence de BEI Monde, la nouvelle entité de la BEI regroupant les financements hors de l’UE, un montant record de 10,8 milliards d’euros de prêts ont été signés, dont 1,7 milliards d'euros pour un soutien immédiat à l'Ukraine afin de l'aider à résister à l'agression russe. 46% des opérations ont concerné des investissements en faveur du climat et de l’environnement et 45 % étaient en faveur des pays les moins avancés et des États fragiles.
Ces opérations répondent à d’importants besoins de financements dans les infrastructures comme une usine de dessalement à Aqaba en Jordanie pour acheminer de l'eau potable vers la capitale Amman ou des projets d'hydrogène vert en Namibie et au Kenya. Présente dans plus de 40 pays africains, la BEI finance également de très nombreux projets locaux à travers ses partenaires bancaires, à l’image de l’accord récemment signé avec la Compagnie Financière Africaine (COFINA) en Côte d’Ivoire et Sénégal pour renforcer le développement d’une agriculture durable.
Partenaire clé de la « team Europe » dans la mise en oeuvre de l'initiative Global Gateway initiée par la Commission européenne afin de contribuer au développement durable des pays émergents, la BEI est en bonne voie pour faciliter au moins un tiers des 300 milliards d'euros d'investissements publics et privés que Global Gateway vise à mobiliser d'ici 2027.
Par la multiplicité de ses modes de financements, directs et indirects, sous forme de prêts et de garanties, par le très large spectre des secteurs d’activité et des pays dans lesquels elle intervient, la BEI, première banque multilatérale de développement au monde, s’affirme ainsi comme un acteur global de la transition verte, soucieuse de promouvoir une croissance bas carbone, durable et inclusive.
Ambroise Fayolle,
Vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI)