Organisation du travail, télétravail : bon usage, questions et impact

Franck MOREL, Avocat associé, Flichy Grangé avocats, ancien conseiller du Premier ministre


La crise Covid et le financement de notre modèle social ont rebattu les cartes du rapport au travail de nos concitoyens et de l’organisation du travail. Selon la DARES, par exemple entre 2019 et 2023, la part des personnes salariées pratiquant le télétravail au moins occasionnellement est passé de 9 % à 26 %.


Cette situation est le fruit d’une évolution rapide mais certaine.

Chronologiquement, notre pays a connu plusieurs âges du télétravail. Le télétravail a fait l’objet d’un accord national interprofessionnel en 2005 puis d’une réglementation dans le code du travail en 2012. Alors qu’il ne concernait que 7% des salariés, sa définition a été élargie en 2017 pour viser aussi le télétravail occasionnel et sa mise en place dans l’entreprise simplifiée sans qu’il soit besoin par exemple de modifier le contrat de travail et en permettant une instauration obligatoire par l’employeur dans des circonstances exceptionnelles. Cette faculté a été largement utilisée dans le deuxième âge du télétravail, celui de l’alternative à l’inactivité au plus fort du confinement en 2020. Le télétravail total était alors massivement mis en œuvre de manière précipitée. Dans un troisième temps, c’est un télétravail afin de réduire les interactions pour des raisons de protection de la santé qui a été promu, notamment par des instructions administratives.

Celui-ci était moins permanent et systématique. Nous en sommes depuis à une quatrième étape : celle de la recherche de la juste place d’un télétravail dont l’importance s’est accrue. Les recherches d’optimisation. Les recherches d’optimisation immobilière du côté des entreprises mais de volonté de maintien d’un collectif de travail et de bon équilibre de vie côté salariés mais d’efficacité ont souvent poussé à un modèle de télétravail «  partiel » seulement certains jours de la semaine. Les partenaires sociaux ont signé le 26 novembre 2020 un accord national très pédagogique sur le sujet mais de nombreuses questions juridiques demeurent et appellent un cadre de la part des entreprises. Le déménagement à l’étranger du télétravailleur, parfois sans prévenir l’employeur, qui induit un changement du droit applicable, l’exercice du droit à la déconnexion, ainsi que la responsabilité en cas d’accident du travail à domicile, l’encadrement juridique des outils de surveillance, notamment les logiciels de monitoring font partie de ces questions ! Une veille et une réelle appréhension de ces interrogations en définissant une doctrine plutôt que leur négation seront profitables aux intérêts de l’entreprise et de ses salariés.

Si l’impact du télétravail sur la productivité réelle reste à objectiver, il est facteur de réduction de l’absentéisme selon le ministère du travail mais aussi générateur d’inégalités pour ceux qui ne peuvent du fait de leur métier y accéder. En découlent des revendications sur la semaine de 4 jours ou en réalité. En 4 jours puisqu’il s’agit plutôt de répartir le temps de travail sans le réduire sur moins de jours dans la semaine ce qui pose d’autres question des charges des journées de travail.

Un autre enjeu impactant fortement l’organisation du travail est, après la réforme des retraites, la question du maintien en emploi des seniors dont le taux d’emploi augmente heureusement. La négociation apportera des réponses et l’exploration des différents modes de temps partiel de fins de carrière comme le temps partiel pour les besoins de la vie personnelle, qui peut être souple, en fera partie. Les questions sont vastes !

Franck MOREL

Avocat associé, Flichy Grangé avocats, ancien conseiller du Premier ministre