Sophie DE MENTHON, Présidente du mouvement Patronal Ethic
Tous les patrons de petites et moyennes entreprises sont confrontés à un changement majeur dans la relation au travail. Il faut faire attention aux sirènes politiques et médiatiques du « super cool », du « je reste chez moi » ou « je travaille d’où je suis », ou « quelle bonne idée la semaine de 4 jours », « la retraite, c’est pour bientôt »… pour qui que ce soit ! Non : travailler a un sens : concentration, échange avec les collègues, créativité partagée. Tout le monde ne chausse pas du 38 et les nouvelles relations au travail se construisent jour après jour, avec les jeunes et les anciens.
Le télétravail vient avant tout d’une épidémie mondiale ! Ce n’est pas l’aboutissement d’une longue réflexion. N’oublions pas que le télétravail ne concerne que 30% de la population. La coiffeuse et l’agriculteur en télétravail… c’est plus rare ! Néanmoins, il peut y avoir des impacts positifs sur ce télétravail, mais cela dépend des personnes : celui qui au bureau n’est pas très réactif ne le sera pas plus en télétravail ; se mettre en télétravail parce que le plombier passe, c’est pratique mais moins rentable pour l’entreprise. Quand on parle de rentabilité d’entreprise, on parle évidemment d’efficacité des collaborateurs. Et c’est difficilement mesurable au-delà de l’enthousiasme de ceux qui aiment rester chez eux devant leur ordinateur. Mesurer l’efficacité du télétravail est un leurre. Comment mesurer la bonne humeur du salarié qui ne vient pas au bureau ? En
arriver à ne pas pouvoir recruter si on ne promet pas de télétravail, c’est inquiétant.
Les managers sont peut-être ceux qui se sont le moins adaptés à « cette nouvelle mode ». En effet, si l’on pense aux salariés, pense-t-on vraiment aux managers ? Ce sont eux qui ont besoin de leurs salariés, ce sont eux qui puisent leur force personnelle et l’énergie de gérer une boite dans le partage avec leurs collaborateurs. Arriver dans son bureau de PDG avec trois personnes sur dix qui sont là, ne donne pas forcément envie de créer une deuxième boite…
Les managers sont là pour s’adapter, et àdonner envie à leurs salariés de venir au bureau.
Quant à la « santé mentale », on n’a jamais vu autant de burn-out et de problèmes psychologiques après le confinement. D’ailleurs, le télétravail n’est-il pas la poursuite du confinement ? Le salarié est un animal social et il est un peu dommage qu’il soit obligé de retrouver de la sociabilité à l’extérieur de son entreprise ou chez lui.
La fête de « J’aime ma boîte » en télétravail, c’est comme une Saint-Valentin tout seul ! Justement fêter son entreprise c’est témoigner du bonheur qu’on a d’y être ! Et pas celui de travailler tout seul.
Les 70% de Français obligés de se rendre sur leur lieu de travail sont heureux de manifester que ce n’est pas une prison. Évidemment, toutes les personnalités sont dans la nature et il y a des salariés qui s’épanouiront parfaitement en solitaire, en particulier ceux qui écrivent, ceux qui sont dans des professions financières…. ceux qui ont besoin de beaucoup réfléchir, etc. Mais le télétravail ne doit en aucun cas être l’occasion masquée de faire goûter les enfants ou d’aller les chercher à l’école. Sachant qu’avoir autour de soi dans son appartement ses enfants à 17h est un stress : soit on s’occupe mal d’eux, soit on ne travaille pas. C’est donc un examen de conscience personnel et collectif que l’on doit faire !
L’origine de « J’aime ma boîte » est une histoire amusante. C’est en 2003, de retour d’un voyage des Etats-Unis où j’ai découvert la célébration du « Boss Day », que j’ai suggéré de lancer « la Fête des patrons ». En évoquant cette éventualité au MEDEF, son président Ernest-Antoine Seillière m’avait répondu avec humour : « Mais enfin, en France, lorsqu’on fait la fête à un patron, c’est pour le séquestrer ! ». J’ai finalement tranché pour la « Fête des entreprises », dont le slogan « J’aime ma boîte » a eu tout de suite du succès. Les salariés se sont retrouvés dans cette familiarité grâce à ce terme qu’ils emploient en parlant de leur boulot : « ma boîte »
Propos recueillis par Marie-Agnès NICOLET, Présidente du Comité Magazine du Centre des Professions Financières, Présidente de Regulation Partners
Sophie DE MENTHON
Présidente du mouvement Patronal Ethic