Michel PÉBEREAU, Président du Centre des Professions Financières
Pierre-Henri CASSOU, Président du comité de rédaction de l'APF
« L'avenir est la seule chose qui m'intéresse,
car je compte bien y passer les prochaines années. »
Woody ALLEN
Dix ans après, tant la crise financière mondiale que celle des dettes souveraines de la zone euro continuent de susciter des débats sur leurs causes, leurs conséquences ou les leçons à en tirer. En revanche, peu d'études ou d'échanges portent sur l'avenir de la finance.
Depuis ces crises, l'environnement de la finance a connu de très profondes transformations. Sa régulation a pris une dimension nouvelle : les exigences de fonds propres résultant des rations de solvabilité ont plus que doublé et les banques sont en outre soumises aux sérieuses exigences des nouveaux rations de liquidité ; la directives Solvency 21 est venue encadrer les activités d'assurance ; une réglementation européenne nouvelle s'applique aux activités de gestion. La révolution permanente des nouvelles technologies du traitement et du transport de l'information a changé de vitesse et d'ampleur avec la révolution digitale : big data, blockchain et intelligence artificielle déstabilisent des activités existantes, tout en étant la source de multiples opportunités. Enfin, l'installation des taux d'intérêt à un niveau très faible, dans certains cas négatifs, bouleverse les attentes légitimes des épargnants et les comptes d'exploitation de la plupart des établissements financiers.
Ces évolutions n'ont guère été anticipées. Les acteurs peinent à présenter des prévisions à moyen terme ou à s'engager dans des études comme ils le faisaient dans la deuxième partie du XXe siècle. Une réflexion prospective sur le secteur est donc souhaitable. Les entreprises de la finance ont en effet besoin de diposer de perspectives portant sur une durée supérieure à celle de trois de la plupart des plans d'entreprise, que ce soit pour concevoir de nouveaux programmes d'activité, pour recruter et former de nouvelles équipes ou pour lancer de nouveaux produits et services. Leurs collaborateurs ont eux aussi besoin de perspectives à long terme pour s'investir dans nos industries, choisir leur métier, préparer leurs futures orientations. Pour être utile, une telle réflexion doit s'inscrire dans un horizon déterminé. Nous avons retenu 2030. Le thème général de cette 11e édition de l'Année des Professions Financières (APF) est donc une question : "Quelle finance en 2030 ?".
En choisissant cette formulation, le Centre des Professions Financières (CPF) a ainsi laissé à chaque contributeur la plus large latitude pour définir la question à laquelle il veut répondre. Trois interprétations sont envisageables.
La première consistre à prendre la question au pied de la lettre et à se demander quelle sera la finance en 2030. Mais n'oublions pas la réponse de Bergson à une personne qui lui demandait ce que serait la plus grande oeuvre dramatique du futur : "Si je savais ce que sera la grande oeuvre dramatique de demain, je la ferais". Donc si nous savions aujourd'hui ce que sera la finance en 2030, cette finance existerait déjà.
Selon la deuxième interprétation, il s'afit d'identifier les options ouvertes à cet horizon. Elle est utile et opportune. C'est celle que la majorité des contributeurs à cette édition de l'APF ont adoptée. Mais elle pose immédiatiement le problème du choix entre les avenirs envisagés. Les auteurs du premier article l'ont ainsi fort judicieusement intitulé : "La finance en 2030 : pile ou face ?".
La troisième interprétation, la plus féconde, conduit à se demander quelle finance nous voulons, à définir des critères de choix entre les diverses options possibles. Cela suppose de réfléchir sur ce que doit être l'utilité de la finance en 2030 : pour ses clients, pour l'économie et pour notre planète. Bon nombre de contributeurs ont accepté d'exprimer leur vision personnelle sur ce sujet.
Depuis son lancement en 2006, l'Année des Professions Financières est un ouvrage collectif. Il réunit généralement une trentaine de contributions émanant de personnalités s'intéressant à la finance : praticiens, universitaires ou autres experts. Cette démarche permet à la fois de traiter un large champ de sujets et de rassembler des points de vue très variés. Mais elle ne peut conduire à une convergence des conclusions.
Sur ce thème particulièrement ambiteux, le comité de rédaction a réussi à convaincre quarante personnalités d'exprimer leur visio. Ces personnalités sont d'horizons des plus divers. Plusieurs ont déjà contribué à des éditions antérieurs de l'APF. Mais la majorité ne s'y était jamais exprimée. Cela atteste de l'intérêt porté à la formule proposée. Cette diversité des contributeurs a été favorisée par l'entrée, dans le comité, de plus membres du Club des Jeunes Financiers du CPF. Des professionnels des nouvelles générations ont de ce fait participé à cet ouvrage.
Nous tenons, à cette occasion, à rendre hommage à Mme Denise Flouzar-Osmont d'Amilly, qui a assuré avec un grand talent et un profond dévouement la présidence de ce comité depuis le lancement de l'APF. Notre Centre lui est très reconnaissant de l'avoir fait bénéficier de son éminente expérience universitaire ainsi que de sa très vaste culture économique. La réputation de qualité d'ouvertre et de rigueur intellectuelle de l'APF lui doit beaucoup.
Le Centre des Professions Financières s'est données pour mission de faire comprendre le rôle de la finance et de promouvoir les réflexions à son sujet. Il a toujours cherché à proposer aux professionnels l'opportunité d'exposer leurs vues sur les enjeux auxquels leurs activités sont confrontées. comme toutes les activités économiques, et plus complètement que la plupart d'entre elles, la finance connaît actuellement et ne va cesser de connaître des transformations très profondes, notamment sous l'effet de la révolution des technologies de l'information. Elle y est habituée : elle a dû, en permanence, s'adapter depuis les débuts de l'informatique, il y a plus d'un demi-siècle. Les entreprises du secteur ont déjà engagé de très importants programmes d'action pour affronter les risques et saisir les opportunités créées par ces évolutions. Pour relever le défi, les acteurs de la finance doivent aussi mener des réflexions collectives sur leur avenir et les partager avec toutes les parties prenantes de leur industrie. En publiant quarante points de vue sur la finance en 2030, ce 11e volume de l'APF participe à cet indispensable effort de pédagogie. Il contribue ainsi à éclairer l'opinion sur l'avenir de ce secteur fondamental de l'économie : la finance.