Quel est votre parcours professionnel et pourquoi Bpifrance ?
J’ai une formation scientifique. Après une thèse en biologie moléculaire, j’ai poursuivi mes études à San Francisco où j’ai eu l’opportunité d’évoluer dans le domaine de l’innovation pour la Santé. J’ai ensuite rejoint le pôle de compétitivité MEDICEN à Paris où il s’agissait de mettre en relation les entreprises de Biotech et les sources de financement pour favoriser leur développement
Cette expérience m’a conduit naturellement à rejoindre Bpifrance où il s’agit d’analyser et sélectionner les projets innovants de R&D en santé afin de les financer avec des aides d'état pour accompagner leur lancement ou leur développement. Chez Bpifrance, nous avons ainsi une vision globale des projets scientifiques, de la propriété intellectuelle et des marchés.
Accompagner les projets innovants des Biotech, comprendre les problématiques des dirigeants, les aider à trouver les financements en dette ou fonds propres, c’est un métier très enrichissant.
En quoi le pôle Santé chez Bpifrance est-il un expert du financement de l’innovation dans ce secteur ?
Je travaille à la Direction de l’Expertise, dans le Pôle Santé spécialisé dans le financement des Biotech par la dette ; précisément celle-ci prend la forme d’une subvention pure, ou une avance récupérable à taux zéro, et remboursable uniquement en cas de succès technico Economique : nous partageons le risque.
Ce pôle existe depuis longtemps chez Bpifrance, les projets en santé sont très riches en terme d’innovation. Bpifrance a financé pour plus de 400M€ d’aide en 2020 sur de nombreux projets d’innovation et d’industrialisation. Il s’agit de la seule Direction thématisée sur une filière chez Bpifrance. Nos enveloppes annuelles d’innovation sont de 1,3Ma€ en 2019 avec une forte augmentation en 2020.
Le pôle Santé est actif dans trois domaines :
Nous proposons aussi un panel qualitatif aux entreprises pour les aider à mieux connaitre leur environnement concurrentiel et réglementaire dans lequel ces futures licornes seront propulsées et devront apprendre à survivre : participations à des évènements, des webinar, conseils, échanges de bonnes pratiques, retour d’expériences etc…
Comment sélectionnez-vous les projets innovants ?
Nous sélectionnons les meilleurs projets d’innovation pour chaque programme, les produits doivent être clairement définis, avoir un caractère innovant et une protection industrielle forte, connaitre la concurrence sur le segment de marché concerné, une stratégie d’accès au marché, une stratégie financière mais aussi une équipe pour mener à bien ce projet.
Par exemple, nous nous positionnons très en amont dans le développement d’une startup dans le programme ILAB où les projets ne sont pas encore en phase clinique. Nos critères de sélection concernent la manière dont l’équipe est mise en place, quelle technologie est utilisée, les brevets existants, la stratégie de développement proposée.
Quelles sont les innovations les plus marquantes actuellement ?
En 2020, le COVID-19 a été la thématique principale. Nous avons financé dans le cadre du programme PSPSC covid, la société INNATE Pharma phase II des essais cliniques (anticorps pour le cancer qui a été repositionné sur le COVID), et aussi la Phase 3 du laboratoire ABIVAX. 7 projets ont été financés en 2020 pour un montant global de 85 M€.
Également, nous sommes très actifs dans le financement du Numérique pour la Santé, il se développe très rapidement à tous les niveaux : les dispositifs médicaux connectés, l’aide au diagnostic médical. Par exemple dans l’imagerie médicale, le logiciel Incepto permet une lecture plus efficace des clichés, et ainsi permet de détecter des anomalies que le médecin n’aurait pu détecter à l’œil nu.
La société Implicity propose un suivi en temps réel des patients cardiaques, le logiciel l’avertit quand son état de santé exige qu’il recontacte l’hôpital pour un suivi complémentaire.
Au final, le numérique arrive dans toutes les phases du parcours du médicament : développement, essais cliniques, chez le patient, au niveau du diagnostic, dans les biomarqueurs. Il commence à révolutionner le parcours du patient, et les populations s’apercevront bientôt qu’il est devenu incontournable car il est présent à tous les niveaux. Nous pouvons citer le cas de l’entreprise lyonnaise Novadiscovery concernée par les essais cliniques in sillico. Bien entendu, la production dans le secteur de la Santé est aussi très imprégnée du numérique.
L’innovation concerne aussi de plus en plus le segment des services à la Santé, mais il faut pouvoir présenter un business model solide car l’intégration des marges lié aux services dans le budget d’un hôpital par exemple doit être justifiée et acceptée par le client.
Quelle est la composition de votre portefeuille ?
Le domaine santé s’adresse à quatre grandes filières : les Biotech, les Medtech, le segment du diagnostic, les entreprises dans la E-santé.
Les Biotech peuvent licencier leur produit ou alors être vendues ultérieurement à des groupes pharmaceutiques.
Les Medtech font parfois l’objet d’acquisition par des groupes américains car il n’y a pas d’intégrateurs de Medtech en France, et moins de liquidités disponibles sur les marchés financiers européens. La demande du marché provient des hôpitaux dans le cadre des achats publics innovants via les centrales d’achat.
Dans la E-santé, c’est le cas des dispositifs médicaux connectés (et l’apport de solution innovantes comme l’exemple du diagnostic à l’aide de l’IA) ; toutefois, sur ce segment se pose la question de justifier la rémunération de ce service dans le budget du client final.
Nous pouvons aussi évoquer l’Article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui est un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits ce qui permet d’accompagner la mise sur le marché de produits innovants.
Quel impact la crise du COVID-19 a-t-elle sur la stratégie d’allocation des enveloppes à moyen terme ?
Bpifrance ne définit pas de stratégie d’investissement en propre, nous sommes un opérateur de l’Etat et nous appliquons la stratégique publique pour le financement des Entreprises.
Le récent plan de relance a été défini par le Ministère de l’Industrie, Bpifrance France applique la stratégie de développement et de financement décidée par l’Etat. Ainsi, des enveloppes importantes de plusieurs centaines 13 Magazine des Professions Financières et de l’Économie - Février 2021 - n°21 de millions permettent aux entreprises françaises d’investir dans leur outil de production. Cela favorise l’implantation de nouvelles lignes de production, par exemple, le flaconnage pour les vaccins du COVID-19. En résumé, nous finançons actuellement l’investissement accru dans les lignes de production, l’industrialisation et relocalisation de la production en France.
La Bioproduction est une thématique importante cette année pour augmenter les capacités de production de thérapies cellulaire, d’anticorps sur le sol français.
Concrètement, comment s’effectue l’aide au financement par Bpifrance ?
Nous attribuons un pourcentage d’aide financière pour le développement de chaque projet. Ce pourcentage est encadré par l’EU. Bpifrance peut financer par exemple jusqu’à 50% du montant d’un projet de R&D pour une PME. Cette aide n’est possible que si la PME a la capacité financière de mener à bien le projet avec un financement en propos souvent par l’apport de capitaux propres.
Les projets liés au COVID ont l’avantage d’avoir un pourcentage d’aide qui peut aller jusqu’à 80% du montant du projet grâce au régime d’aide dérogatoire spécifique de l’Europe. L’Etat partage donc largement le risque de ces entreprises innovantes pour la Santé.
La durée de financement est d’un 1 an pour les petits projets, et de 3 à 5 ans pour les plus grosses entreprises. Par exemple, nous finançons l’architecture d’un concept, la toxicité d‘une molécule, une étude pré-clinique, etc…
L’aide financière est soit sous forme de subvention pour des projets assez amont, soit sous forme d’avance récupérable pour des projets ayant déjà une preuve de concept. C’està-dire, en cas de succès commercial, l’entreprise rembourse son aide. Dans le cas de projet long comme en Biotech, l’entreprise a la possibilité de redéposer un projet, Bpifrance étudie alors le financement de la phase suivante. Bpifrance ne s’engage pas à financer la totalité du développement d’une molécule, nous préférons procéder par étapes (milestones) .
En moyenne, 50% du montant alloués sous formes d’avance récupérable sont remboursés par les entreprises, signifiant que leur projet est un succès. Les projets ayant un échec technique et/ou Economique ne remboursent pas cette aide. Cela signifie que nous partageons le risque avec les entreprises, et qu’une partie significative des projets sélectionnés sont suffisamment viables pour rembourser leur aide. Une partie des projets échouent, c’est le risque des projets innovant.
Pour conclure, quel message souhaitez-vous faire passer ?
Il existe beaucoup de programmes et d’outils, ainsi qu’un continuum de financement de la création d’une biotech à l’entreprise un peu plus mature.
Bpifrance propose une gamme élargie de financements via la dette, ses fonds, ses fonds de fonds ; ainsi que des programmes d’accompagnement des entreprises quel que soit son stade de développement.
Nous n’avons pas de concurrents directs sur la partie Innovation, Bpifrance attribue 100% des aides à l’innovation pour les entreprises de la santé. Notre offre est complétée par les aides proposée par l’Europe, trop peu d’entreprise les sollicitent.
Nous n’avons pas de concurrents directs sur la partie Innovation, Bpifrance attribue 100% des aides à l’innovation pour les entreprises de la santé. Notre offre est complétée par les aides proposée par l’Europe, trop peu d’entreprise les sollicitent.
Rosalie MAURISSE, Responsable domaine santé Bpifrance