La gestion d’actifs est une activité en fort développement. Les raisons sont nombreuses :
L’augmentation du pouvoir d’achat par habitant au niveau mondial
Le vieillissement de la population et le besoin croissant de placements pour la retraite
Des produits financiers plus facilement accessibles grâce à la technologie
Les ménages les moins riches pourront acheter des produits financiers à faible montant
La mise à disposition des services financiers ainsi que leur utilisation vont fortement évoluer.
Il est évident que les services numériques sur le web et les applications sur téléphone ou tablette vont poursuivre leur fort développement dans les années qui viennent.
Les techniques qui révolutionneront le plus le secteur seront la « Blockchain » et les « smarts contracts ».
Mal comprise et souvent associée au Bitcoin et aux crypto-monnaies, la Blockchain est en fait une méthodologie complètement séparée. En finance comme dans d’autres domaines, les intermédiaires et les coûts sont nombreux. Cela va changer avec la Blockchain qui va entrainer :
Un allégement des coûts de transaction
Une diminution du nombre d’intermédiaires
Une traçabilité des opérations jusqu’à l’origine
Une sécurité des opérations par chiffrement et découpage
Une transparence pour tous les utilisateurs
Les « smarts contracts » sont des contrats intelligents qui s’exercent automatiquement sous certaines conditions. Par exemple une assurance sur les retards des avions. Le programme est connecté aux horaires d’avion et si un retard dépasse un seuil, les assurés touchés reçoivent un virement compensatoire sans avoir à fournir de justificatifs (sinon d’avoir un billet pour ce vol).
Toutefois la baisse de ces coûts n’annulera pas la forte hausse des charges issues de la règlementation (Solvency II, PRIIPs, Mifid2, UCITS IV , PEPP…) qui obligent les sociétés de gestion à employer de plus en plus de personnel administratif pour produire des indicateurs divers et variés.
L’augmentation croissante des ETF entraîne une pression à la baisse des frais pour l’industrie de la gestion d’actifs.
Accéder à son portefeuille en temps réel et agir dessus en effectuant des arbitrages à volonté sera un service courant. Des outils d’aide à la décision viendront mieux accompagner l’investisseur amateur, avec ou sans intelligence artificielle.
1. Aujourd’hui en France la culture financière est faible.
Si 20% des Français déclarent avoir une connaissance élevée des questions financières, seuls 3 millions sont actionnaires (contre 7.2 millions en 1990). Dans une enquête de l’OCDE de 2011 on demandait combien on obtient au bout d’un an quand on place 100 à 2%, seule la moitié des Français répond 102 (la bonne réponse) alors que les Allemands ou Anglais répondent correctement à plus de 60%. Dans une enquête du Credoc de la même époque 75% des sondés avouent ne pas savoir ce qu’est une obligation. 70% déclarent prendre une décision financière avec leur conseiller financier bancaire. Les autres s’appuient sur leurs proches, la presse ou les pouvoirs publics… Enfin les trois-quarts des Français regrettent que l’enseignement scolaire en finance ne soit pas plus fourni.
2. L’Etat providence
L’explication principale de la faible culture financière Française provient notamment du rôle de l’Etat dans l’éducation, la santé et le système de retraite que l’on ne retrouve pas au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Dans ces pays, il faut mettre de l’argent de côté pour prévoir le coût des études des enfants, pour faire face aux dépenses de santé qui ne sont pas remboursées systématiquement et enfin pour ses vieux jours. Il faut donc prendre en charge ces questions soi-même et s’y intéresser de près. Les mécanismes de la Finance, de l’économie et des investissements boursiers nécessitent une connaissance qui s’avère cruciale. En France ces questions sont souvent prises en charge par l’Etat. Les Français n’ont pas à se soucier autant que leurs voisins de leur épargne et de l’investissement financier, mais l’Etat providence recule peu à peu.
3. La distribution
Une autre particularité Française est le rôle prépondérant des banques et compagnies d’assurance dans la distribution des produits financiers puisqu’il s’élève à plus de 85% contre moins de 25% au Royaume-Uni et moins de 5% aux Etats-Unis ou l’on s’adresse plutôt à des conseillers indépendants ou des services en ligne. L’isolement dû à la Covid 19 a permis à de nombreuses personnes de tout âge de se familiariser avec internet et de changer leurs habitudes de consommation de services. Les déplacements en agence bancaire ou cabinet d’assurance reculent.
Les services financiers numériques appelés Robo Advisors qui proposent des contrats d’assurance-vie ou des comptes titres en ligne devraient croitre de 20% par an selon Statistica. 1000 milliards de $ serait déjà gérés de la sorte au plan international.
La décision d’épargner est différente de celle d’investir. L’épargne des Français est principalement une épargne de précaution afin de faire face aux aléas de la vie. L’investissement a souvent une destination et correspond plus à un projet identifié (achat logement, études des enfants, retraite, voiture, vacances…).
Plusieurs freins psychologiques apparaissent au moment de décider d’un investissement. Certains blocages sont culturels et devraient diminuer avec les nouvelles générations.
Toutefois, placer des sommes dans la durée et les risques de perte dominent les autres craintes. La règlementation oblige durant le « parcours client » à poser des questions jugées intrusives sur l’origine des fonds ou incongrues (FATCA, PPE). Certains prospects préfèrent renoncer à investir plutôt que donner des informations personnelles avec souvent des documents justificatifs à l’appui.
Le processus de décision d’investissement est souvent ressenti comme long et tortueux. Il est intéressant d’observer les différences entre l’investissement avec un conseiller physique et le numérique. La finance comportementale permet de mieux analyser les biais cognitifs, de jugement, émotionnels ou sociaux ainsi que les préférences en matière de risque.
Par exemple la prise de rendez-vous physique augmente la volonté et la concentration. Il suffit de comparer un rendez-vous à 16h avec votre conseiller dans son bureau et une planification à 16h d’une souscription en ligne sur internet sans support client.
Dans un cas pendant que vous vous déplacez pour le rendez-vous, vous avez le temps de « mentaliser » votre décision, vous avez dégagé du temps durant lequel vous ne serez pas dérangé, une personne vous accompagnera dans vos hésitations ou sera là pour répondre à vos questions de dernière minute.
Imaginez la même opération chez vous seul devant votre ordinateur…
La découverte des besoins du client est un champ d’exploration pour les années qui viennent qui connaitra de fortes avancées méthodologiques.
On peut conclure aisément qu’à l’avenir grâce à la technologie, à l’augmentation du niveau culturel financier et une meilleure compréhension des mécanismes de prise de décision, les investisseurs seront plus acteur-décisionnaire dans leurs choix.
Pierre HERVÉ
Directeur Général de Zalpha, Enseigne la gestion d'actifs en master à l'université Paris Dauphine et à l'ESGF
FATCA : Foreign Account Tax Compliance Act, PPE : Personne politiquement exposée