Tendances d’investissement dans l’écosystème des fintechs européennes

Maria LUPSE, Chargée de Mission – Europe chez Finance Innovation


Au fil des 10 dernières années, le domaine des fintechs a connu une croissance remarquable, avec une forte concentration en Amérique du Nord et en Europe. Avec un total de 9225 entreprises actives en 2024, l’Europe continue de jouer un rôle essentiel dans un écosystème mondial en pleine évolution. Grâce à des investissements records et une croissance accélérée, l’écosystème des fintechs occupe désormais une place centrale dans l’économie européenne.


Au terme de plusieurs années caractérisées par des turbulences économiques, en particulier en 2022 et en 2023, les investissements dans les fintechs ont connu une baisse significative, atteignant leur niveau le plus faible depuis 2017. L’année 2024, en revanche, a laissé entrevoir une nette amélioration émergeant d’une augmentation d’investissements dédiés aux fusions et acquisitions des fintechs européennes. Parallèlement, la baisse des taux d’intérêt actée par les banques centrales a contribué à renforcer cette tendance, favorisant ainsi la relance de l’investissement dans le secteur. Ces changements ne sont pas à interpréter comme un signe de faiblesse mais plutôt comme des marqueurs du passage à une nouvelle phase de maturité des fintechs européennes. Ces dernières démontrent en effet une résilience exceptionnelle face aux fluctuations économiques défavorables tout en se distinguant par leur capacité d’innovation dans le domaine des services financiers traditionnels. L’un des principaux moteurs des investissements dans les fintechs européennes réside dans la digitalisation du secteur financier. Plusieurs facteurs ont contribué à accélérer ce processus, tels que la pandémie de Covid-19, la diminution des coûts et l’amélioration de l’expérience utilisateur. Ainsi, dans le contexte actuel de transformation numérique, plusieurs tendances majeures se dessinent et redessinent l’avenir des fintechs en Europe : l’Open Banking, l’intelligence artificielle, la blockchain et la crypto-monnaie, la finance durable.


L'Open Banking, soutenu par une réglementation de plus en plus stricte, connaît une adoption croissante en Europe. Visant à améliorer la transparence, à enrichir l’expérience client et à favoriser le développement de produits et services financiers plus personnalisés, l’Open Banking se révèle l’une des principales tendances d’investissement dans le secteur. En 2024, par exemple, on comptait près de 570 prestataires tiers enregistrés sur le marché européen, le Royaume-Uni et l’Allemagne étant les principaux acteurs de cette révolution.

Parallèlement, l’intelligence artificielle (IA) se positionne comme un outil stratégique pour l’amélioration continue des services financiers. En 2024, les investissements des institutions bancaires européennes dans l’IA ont dépassé 7 milliards de dollars, et cette somme devrait atteindre les 20 milliards de dollars d’ici 2028. Néanmoins, si l’IA présente de nombreuses opportunités, sa mise en œuvre nécessite également une préparation rigoureuse des équipes et des compétences spécifiques. Quant à elle, la blockchain, malgré le cadre réglementaire complexe et rigide qui la définit, s’impose comme un élément stratégique pour les investissements en Europe, notamment dans les secteurs de la gestion d’actifs, des paiements transfrontaliers et de la tokenisation. Enfin, de nos jours, l’investissement dans les fintechs dédiées à la finance verte et durable a gagné en importance, avec un nombre croissant de plateformes facilitant les investissements dans les projets écologiques.


Un autre facteur de croissance pour les fintechs en Europe est l’implication croissante des investisseurs institutionnels. En effet, les établissements financiers tels que les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance augmentent leurs investissements dans les fintechs, reconnaissant leur rôle clé dans la modernisation des services financiers et la satisfaction des consommateurs. Les investisseurs institutionnels privilégient les fintechs qui offrent des solutions permettant de réduire les coûts, d’améliorer la sécurité des transactions et de renforcer la transparence. C’est dans ce cadre que les fintechs spécialisées dans la gestion de portefeuilles, l’assurance, et les solutions de paiement rencontrent un succès notable.


En Europe, les pays qui se démarquent par l’importance de leurs investissements dans les fintechs sont les principaux moteurs de ces tendances. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni demeure un leader avec des hubs financiers comme Londres. En 2024, le pays a été le leader avec des investissements d’environ 3,6 milliards de dollars américains dans les fintechs, en particulier dans les domaines des paiements et des néobanques.

En ce qui concerne la France, le pays s’impose comme le leader incontesté de l’écosystème fintech de l’Union européenne, notamment grâce à Paris qui se positionne comme le centre névralgique des fintechs françaises. En parallèle, la réindustrialisation de la France, un sujet phare du débat économique actuel, crée un terreau fertile pour l’investissement dans les fintechs. Dans le cadre du plan de modernisation des infrastructures industrielles de la France, les fintechs ont un rôle clé à jouer en facilitant le financement des PME et en développant des solutions de financement innovantes. Les fintechs comme les plateformes de crowdfunding, les solutions de financement participatif et les prêts entre particuliers peuvent rendre l’accès au capital plus facile pour les entreprises industrielles françaises. Ces solutions de financement alternatives offrent une plus grande souplesse et un accès plus rapide à des fonds.

L’Allemagne se positionne en deuxième place dans l’écosystème européen, notamment grâce à Berlin et Francfort qui attirent des financements massifs dans les secteurs de l’assurtech et des technologies bancaires. La forte croissance dans le pays est le résultat de la forte industrialisation et de la nécessité d’optimiser les services financiers, ce qui a permis aux fintechs allemandes de bénéficier d’un soutien accru de la part des investisseurs.

Malgré l’essor remarquable des investissements dans certains pays européens, des marchés tels que l’Italie, l’Espagne et les Balkans n’ont pas encore pleinement exploité cette tendance innovante. En effet, contrairement aux pays mentionnés précédemment, ces derniers éprouvent des difficultés à attirer des investissements significatifs, ce qui limite leur capacité à soutenir la réindustrialisation locale.

En dépit d’une économie florissante et un marché des services financiers en plein essor, l’Italie affiche un taux d’investissement relativement faible. Les fintechs italiennes ont une présence significative dans des secteurs spécifiques tels que les paiements mobiles et les solutions de crédit. Cependant, l’investissement global reste modeste en comparaison avec celui d’autres pays européens qui dominent le marché. L’Espagne, quant à elle, bien qu’elle compte quelques acteurs fintech de premier plan, présente un déficit d’investissement par rapport à la moyenne européenne. En effet, le marché espagnol reste assez conservateur, avec une culture de l’investissement dans les nouvelles technologies qui demeure moins développée qu’en France ou en Allemagne.


Cette étude montre donc que le secteur européen des fintechs enregistre une progression continue, mais il peut également faire face à plusieurs défis qui freinent son développement. La régulation européenne, par exemple, avec des initiatives comme le Digital Finance Package, MiCA et DORA, cherche à concilier sécurité et innovation, mais elle peut également constituer un obstacle. Ces régulations, bien qu’elles visent à encadrer l’innovation et à sécuriser le marché, peuvent créer des difficultés dans leur application uniforme à travers les différents États membres. En effet, les règles européennes en matière de protection des données, de lutte contre le blanchiment d’argent et de régulation des cryptomonnaies varient d’un pays à l’autre, compliquant ainsi l’accès au marché pour certaines entreprises fintech.


En conclusion, l’avenir des fintechs en Europe semble prometteur. Dans un contexte de montée en puissance de l’intelligence artificielle, de la blockchain et des technologies de paiement mobile, le secteur continue de générer des investissements de plus en plus substantiels. Cependant, pour garantir la sécurité et la stabilité du système financier tout en favorisant l’innovation, il est crucial que ces tendances d’investissement soient encadrées par une régulation européenne de plus en plus évolutive et uniforme. Dans le cadre de la stratégie de développement économique de la France, la modernisation des services financiers est un pilier essentiel pour la réindustrialisation du pays et le financement durable de ses entreprises. Dans ce contexte, les fintechs ont un rôle clé à jouer en proposant des solutions de financement flexibles et adaptées aux besoins des industries du futur.


Cet article est publié par Finance Innovation en collaboration avec FINE (Fintech Investor Network & Ecosystem), qui est une plateforme indépendante dédiée à la promotion de la collaboration transfrontalière en matière de fintech, au dialogue réglementaire et à la croissance du secteur à travers l’Europe. FINE met en relation les entreprises fintech, les décideurs politiques et les institutions financières afin de promouvoir les meilleures pratiques, les cadres réglementaires axés sur l’innovation et les opportunités d’expansion du marché.


Sources :

https://www.statista.com/topics/3397/ fintech-market-in-europe/#topicOverview

https://kpmg.com/de/en/home/media/ press-releases/2024/09/despite-global-challenges-fintech-investments-in-germany-are-stabilizing.html.

https://kpmg.com/fr/fr/media/pressreleases/2024/12/annee-fintech-2024.html

https://croissanceinvestissement.com/ le-rapport-2023-des-fintechs-en-france/


Maria LUPSE

Chargée de Mission – Europe chez Finance Innovation