<div class="az-element az-container glazed" data-az-type="node|page" data-az-name="999|body" data-az-human-readable="Ym9keSBvbiBwYWdlICYjMDM5O0xhIHBvbGl0aXF1ZSBpbmR1c3RyaWVsbGUgIGV1cm9ww6llbm5lIDogdW4gbm91dmVhdSBwYXJhZGlnbWUmIzAzOTs=" data-az-mode="dynamic">
<div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbm7gsbac1" data-azat-pid="gb98fuxmqt" id="gb98fuxmqt" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gblk0j19gg"><h1 style="text-align: center;"><span style="color:#0183bf;"><strong><span style="font-size:36px;">La politique industrielle européenne : un nouveau paradigme</span></strong></span></h1></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbpnrx6xl1" data-azat-pid="gbuj9m58i1" id="gbuj9m58i1" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbdzxb7nyk"><p style="text-align: center;"><span style="font-size:18px;"><strong>Sylvie MATELLY</strong>, Directrice, Institut Jacques Delors</span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size:18px;"></span><span style="font-size:18px;"><strong>Andreas EISL</strong>, Chercheur Senior, Institut Jacques Delors</span><br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbukyvf1wy" data-azat-pid="gbq9zj9wnl" id="gbq9zj9wnl" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-button text-center hover-style-gbqxtibahq" id="gbqxtibahq"><a href="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... type="button" class="az-button-content btn btn-default " style="margin-top:40px;color:#ffffff;border-color:#ffffff;background-color:#0183bf;" target="_blank">Télécharger l'article</a></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbjce3ah9g" data-azat-pid="gb7vk1m72p" id="gb7vk1m72p" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gb111qarmc"></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbj8eincqt" data-azat-pid="gb1jsqcnij" id="gb1jsqcnij" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbvkeluohw"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="color:#0183bf;"><strong>Introduction</strong></span> <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Pendant longtemps, la construction européenne a assimilé la « politique industrielle » à une « entorse à la libre concurrence ». L’obsession de l’égalité des conditions de marché a conduit à centraliser le contrôle des aides d’État et des concentrations à Bruxelles, tandis que les États membres restaient seuls maîtres de quelques initiatives ponctuelles – le plus souvent défensives – à l’intérieur de leurs frontières. Résultat : lorsqu’un nouveau cycle technologique ou un choc exogène se profilait, l’Union ne disposait ni d’outils budgétaires adaptés, ni d’une gouvernance capable d’orienter durablement l’investissement productif.<br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"> Or le contexte mondial a brutalement changé et quatre dynamiques convergentes, détaillées dans ce papier, ont fait voler en éclats le vieux tabou. La compétitivité érodée de l’Europe face aux États-Unis et à la Chine, la multiplication des rivalités géo-économiques, illustrée par le programme Made in China 2025 et, outre-Atlantique, par un recours croissant aux droits de douane et aux subventions, les ruptures d’approvisionnement provoquées par la pandémie de Covid-19 et par l’agression russe contre l’Ukraine ou encore l’urgence climatique ont révélé les limites d’une approche strictement fondée sur la concurrence interne mais aussi la vulnérabilité stratégique de chaînes de valeur trop externalisées.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Ces évolutions ont accouché, souvent par à-coups, d’un nouveau paradigme : la politique industrielle européenne vise désormais simultanément la compétitivité, la transition écologique et la résilience/sécurité économique. Mais parce qu’elle s’est construite par empilement de dispositifs (budgets nationaux et européens, BEI, exemptions antitrust, réglementations sectorielles), l’architecture actuelle demeure fragmentée et parfois incohérente. Le secteur de la défense constitue un révélateur aigu de ces tensions. Longtemps protégé par « l’exception sécuritaire » de l’article 346 sur le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), il est resté à l’écart du marché intérieur et du budget communautaire. Pourtant, la guerre en Ukraine et la prise de conscience du besoin d’autonomie stratégique ont déclenché une série d’initiatives – Fonds européen de défense, ASAP, EDIRPA, future stratégie EDIS/EDIP – qui annoncent la naissance d’une véritable politique industrielle de défense, encore balbutiante mais potentiellement structurante.</span><br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbnng2kk66" data-azat-pid="gbt7qyfzg8" id="gbt7qyfzg8" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gbq342iqrp"></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbrh6kpkmf" data-azat-pid="gbrh6kpkmf" id="gbrh6kpkmf" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbcof2d6gt"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="color:#0183bf;"><strong>La politique industrielle, d’un tabou à une renaissance</strong></span> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"></span><span style="font-size:18px;">En principe, la politique industrielle englobe toutes les mesures qui visent à influencer la structure même de l’économie et le plus souvent en favorisant des secteurs particuliers ou des entreprises spécifiques. Il peut​​​​​​​ s’agir d’aides financières, telles que des subventions, ou d’interventions réglementaires. Dans l’UE, la politique industrielle est restée, pour l’essentiel, entre les mains des États membres. En revanche, la politique de concurrence, qui vise à créer et à maintenir la concurrence sur le marché entre les entreprises, a été centralisée très tôt dans le processus d’intégration européenne.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Les objectifs de la politique industrielle et de la politique de la concurrence peuvent être contradictoires. Au sein de l’UE, cette tension s’est accrue avec la création progressive du marché unique dans les années 1980 et 1990. Dans un contexte de mondialisation et d’intégration économique croissante, les compétences en matière de politique de la concurrence au niveau de l’UE ont été de plus en plus utilisées pour restreindre les politiques industrielles nationales qui étaient considérées comme compromettant l’égalité des conditions de concurrence du marché unique. Le cadre de la politique de concurrence de l’UE interdisait en principe l’utilisation des aides d’État (avec quelques exemptions) et son application a été renforcée. Parallèlement, la Commission a adopté une position plus ferme à l’égard des monopoles, excluant de fait la création de «champions européens» industriels par le biais du contrôle des fusions et acquisitions. L’utilisation des aides d’État dans les années 1970 et 1980, souvent orientée vers la protection des industries existantes en difficulté, ayant été largement considérée comme un échec, les États membres ont accepté une approche plus restrictive, également dans un contexte de consolidation budgétaire à l’approche de l’introduction de l’euro. La politique industrielle n’a cependant pas disparu, mais s’est plutôt transformée, passant d’une approche verticale (soutien de technologies et d’industries spécifiques) à une approche plus horizontale, axée sur le renforcement de l’éducation et de la recherche, développement et innovation (RDI). Cette logique de politique de la concurrence en lieu et place d’une politique industrielle est restée dominante dans l’UE jusqu’au début des années 2010.</span><br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gb4by7j9hw" data-azat-pid="gb4by7j9hw" id="gb4by7j9hw" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-row row az-row--sm" style="" id="gb552w7qn3"><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gbjsof31sl"><div class="az-element az-text" style="" id="gbcd4mr0gi"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Toutefois, depuis lors, l’UE a connu un retour progressif à des politiques industrielles plus «actives» et sectorielles, ainsi qu’à leur européanisation progressive. Au cours de la dernière décennie, les changements cumulés au sein du régime des aides d’État de l’UE, du budget de l’UE, des institutions financières européennes (telles que la Banque européenne d’investissement) et de la réglementation ont abouti à l’élaboration d’un nouveau paradigme de politique industrielle dans l’UE. Ce paradigme encore naissant est la conséquence de plusieurs évolutions. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Tout d’abord, la faible croissance de l’UE a suscité des inquiétudes quant à son retard par rapport à d’autres grandes économies telles que les États-Unis (et de plus en plus la Chine). Les États membres comme la France, les grandes entreprises, mais aussi certaines directions générales de la Commission y ont vu un besoin croissant de relancer la politique industrielle pour retrouver la compétitivité internationale. Dans les années 2010, ils se sont concentrés sur la promotion des technologies clés, ce qui a conduit à l’activation d’une clause du traité de l’UE autorisant l’utilisation des aides d’État pour soutenir les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) en 2014. Cela a conduit à l’adoption de grands projets de politique industrielle dans les domaines de la microélectronique, de l’hydrogène, des batteries, des technologies de l’informatique en nuage et de la biotechnologie.</span></p></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gbzolpuggs"><div class="az-element az-image" id="gbv4xi12t0"><img class="az-image-content " src="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... alt="" title="" style="width: 100%;"></div></div></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbegalyfqd" data-azat-pid="gbegalyfqd" id="gbegalyfqd" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gb435l3309"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Deuxièmement, avec la première administration Trump et le plan Made in China 2025, le contexte économique international a commencé à changer de manière significative vers plus de confrontation géopolitique et géoéconomique. Pour contenir la montée en puissance de la Chine et développer ses industries nationales, les États-Unis ont eu de plus en plus recours aux droits de douane et ont sapé les organisations commerciales multilatérales, tandis que l’utilisation de subventions massives a permis à la Chine de se doter d’importantes (sur)capacités industrielles tout en déprimant la consommation intérieure afin de renforcer sa réorientation vers l’exportation. Ces coups durs portés à l’ordre économique international fondé sur des règles et à l’ère de la mondialisation basée sur le libre-échange ont conduit à repenser progressivement le cadre de la politique de concurrence de l’UE. Son approche traditionnelle consistant à favoriser la compétitivité internationale des entreprises européennes par la création de marchés concurrentiels au sein du marché unique a atteint ses limites dans un contexte où d’autres puissances mondiales protègent de plus en plus leurs industries nationales. Pour remédier à cette situation, l’UE a commencé à adopter une nouvelle approche qui se concentre moins sur les défaillances du marché à l’intérieur de l’Union que sur le site à l’échelle mondiale. Cela permet aux États membres de protéger les industries clés avec plus de force grâce aux aides d’État, mais aussi grâce à de nouveaux instruments de défense commerciale.</span><span style="font-size:18px;"></span><span style="font-size:18px;"></span>​​​​​​​<br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbg4e1808e" data-azat-pid="gbg4e1808e" id="gbg4e1808e" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-row row az-row--sm" style="" id="gb0ffmf5fs"><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gbafoqp8aw"><div class="az-element az-text" style="" id="gb6l6z3pvr"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Troisièmement, les problèmes de chaîne d’approvisionnement causés par la crise de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 ont montré que les dépendances économiques construites au cours des dernières décennies peuvent être instrumentalisées par d’autres puissances et compromettre la résilience économique des industries européennes. En réponse à cela, l’UE a mis en place plusieurs initiatives pour reconstruire les capacités en Europe, du règlement européen sur les semi-conducteurs à la loi sur les matières premières critiques (CRMA), visant à relocaliser les activités économiques tout au long de la chaîne de valeur dans les secteurs stratégiques.</span></p></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gbn1ppllz4"><div class="az-element az-image" id="gbhupq6xa0"><img class="az-image-content " src="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... alt="" title="" style="width: 100%;"></div></div></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gblis5pc63" data-azat-pid="gblis5pc63" id="gblis5pc63" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gb91fmr6h1"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Enfin, le nouveau paradigme de la politique industrielle de l’UE est également influencé par l’urgence de la crise climatique et la volonté de l’UE de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en devenant un leader dans le marché mondial des technologies propres. De nombreuses mesures réglementaires introduites au niveau de l’UE depuis 2019 visent à réorienter l’économie européenne vers la neutralité climatique, avec un soutien financier important du budget de l’UE, du plan de relance NextGenerationEU et des budgets des États membres. L’Union a considérablement assoupli les règles relatives aux aides d’État en faveur de la transition verte dans divers cadres temporaires et permanents, comme le règlement général d’exemption par catégorie RGEC), l’encadrement temporaire de crise et de transition (TCTF) et l’encadrement des aides pour l’industrie propre (CISAF), aussi pour réduire la dépendance énergétique à l’égard de la Russie. Pour protéger son industrie verte de la concurrence déloyale, l’Union a introduit des mesures telles que le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone (CBAM). Elle a également réagi à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) en adoptant son propre plan industriel du pacte vert (GDIP).</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"></span><span style="font-size:18px;">L’ensemble de ces mesures constitue un nouveau paradigme de politique industrielle dans l’UE. Ce paradigme est multidimensionnel et se concentre, en parallèle, sur l’augmentation de la compétitivité, la promotion de la transition climatique et l’augmentation de la résilience/sécurité économique. Cependant, le changement progressif de mentalité a conduit au développement d’un paysage complexe et fragmenté d’aides financières, d’instruments et de réglementations. Si l’UE veut relever efficacement les défis auxquels elle est confrontée, elle va devoir créer une approche plus cohérente, plus simple et plus européenne dans l’élaboration de sa politique industrielle. Le prochain budget de l’UE devra consacrer davantage de ressources au soutien des aides d’État, tout en coordonnant mieux les subventions nationales. Le régime des aides d’État de l’UE devrait être fondamentalement remanié, réorganisé en vue d’atteindre des objectifs communs et de garantir un soutien adapté aux différents secteurs et à la maturité technologique. Le champ réglementaire complexe doit être rationalisé, comme prévu dans la stratégie de la Commission actuelle, mais sans revenir sur les engagements antérieurs afin de garantir la stabilité des politiques, ce qui peut constituer un avantage majeur dans un contexte mondial plus incertain.</span><br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbbbcipmex" data-azat-pid="gb8kl6ebtp" id="gb8kl6ebtp" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gbdxnjriah"></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbbqfrjm1w" data-azat-pid="gbleu8a93v" id="gbleu8a93v" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbmxbefmr0"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="color:#0183bf;"><strong>La politique industrielle de la défense, de fragmentations nationales à un marché commun ?</strong></span> <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Dans le domaine de la défense et de la sécurité, les mutations politiques ont été, ces dernières années, radicales pour au moins deux raisons : premièrement, la défense est d’abord une prérogative nationale ; deuxièmement et comme développé précédemment, la politique de la concurrence a longtemps prévalu. En effet, jusqu’à récemment, la Défense n’a pas été une compétence de l’Union européenne. Le traité de Rome ne contenait aucune disposition relative à la Défense. Il prévoyait même, dans le cadre des dispositions visant à créer un marché commun, une exception pour les équipements militaires (Article 223 qui stipulait que « tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériels de guerre »). Cette exception a été systématiquement reprise dans tous les traités qui ont suivi, c’est aujourd’hui l’article 346 du TFUE . <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Face à cet état de fait, dès sa communication de 19962 , la Commission souligne les problèmes de «fragmentation des marchés de la défense en Europe», et notamment le manque de compétitivité de l’industrie de défense européenne face aux entreprises américaines. Convaincue de l’importance d’une coopération étroite en matière d’armement comme facteur clé du renforcement de la compétitivité de l’industrie de défense européenne, elle est venue fixer des règles communes de passation des marchés publics mais aussi de simplification des échanges intracommunautaires. En 2004, elle édite un « livre vert » où elle propose d’appliquer au marché européen des équipements de défense les mêmes règles qu’aux autres marchés publics.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Au travers du paquet défense de 2009, notamment les directives 2009/43 et 2009/81, la Commission a encouragé la diversification des sources d’approvisionnement en tentant de promouvoir la concurrence sur les marchés publics de défense et en permettant un meilleur accès des fournisseurs européens aux marchés publics nationaux. Par ailleurs, le paquet de défense de 2009 a été un tremplin important pour la Commission dans la légitimation de son rôle en matière de défense. La concurrence en est alors le motif principal car cette concurrence doit permettre de mieux contrôler les dérives des coûts des programmes souvent constatées pour les équipements de défense.<br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Pourtant, la réalité de l’application de ce « paquet défense » reste très limitée. Grâce à l’article 346 du TFUE et malgré la directive 2009/81/CE, les Etats ont continué à négocier les grands contrats de défense hors de toute publicité et mise en concurrence, empêchant la constitution d’un véritable marché intérieur des équipements de défense. Ils ont appliqué de manière non-harmonisée et avec du retard cette directive ou en ont contourné les grands principes (cas des clauses de non-réexportations sur des composants peu sensible limitant par conséquent l’intérêt des licences générales et compliquant la tâche des entreprises de défense).</span><br></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Par ailleurs, pour mener une politique industrielle européenne de défense, il faut un budget dédié. Or, jusqu’à récemment, le budget de l’Union européenne ne prévoyait rien pour la défense. L’article 41, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne restreint l’utilisation du budget de l’UE pour les dépenses militaires, exigeant un accord unanime des États membres pour toute exception.<br></span></p><p><span style="font-size:18px;">C’est à la suite des élections européennes de mai 2019 que le Parlement européen nouvellement élu affirme sa volonté de consacrer des ressources financières à de nouvelles priorités politiques, notamment la défense et la sécurité. <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Dans cette optique, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 est devenu le premier cadre à allouer explicitement des ressources financières à la défense et à la sécurité européennes. C’est le titre 5 « sécurité et défense » qui introduit cette nouveauté. Si le volet «sécurité» comprend le maintien du Fonds pour la sécurité intérieure, le financement du démantèlement nucléaire et le financement de trois agences décentralisées de l’UE dans le domaine de la sécurité, le volet «Défense» est plus innovant, avec l’introduction du Fonds européen de défense (FED) et d’un programme de mobilité militaire. Alors qu’initialement, la Commission européenne avait proposé un budget de 24 milliards d’euros, ce montant a été ramené à 13 milliards d’euros à l’issue des négociations avec les Etats et la Parlement. Les projets relevant du pilier de la défense, à savoir le Fonds européen de défense et le programme de mobilité militaire, ont été les plus touchés par ces réductions. Le FED s’est vu allouer un budget de 7 milliards d’euros, ce qui est nettement inférieur aux 13 milliards d’euros initialement proposés, tandis que le programme de mobilité militaire n’a reçu que 1,5 milliard d’euros soit à peine 1,2% du total d’un budget européen qui représente lui-même à peine 1% du PIB des pays de l’Union. <br></span></p><p><span style="font-size:18px;">Pourtant ce premier budget signe le début d’un changement de vision quant aux compétences européennes en matière de défense. Trois 3 évènements expliquent ces changements de perspective :<br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014, les Européens s’engagent lors du sommet de l’Otan cette année-là à augmenter leurs dépenses militaires à hauteur de 2% de leur PIB – actant ainsi la fin des dividendes de la paix issus de la fin de la guerre froide) ; <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- le vote britannique favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2016. On sait combien les Britanniques étaient attachés à cantonner l’intégration européenne aux seules questions économiques. La perspective de leur départ ouvre un nouveau champ des possibles, rapidement saisi par la Commission Juncker ; <br></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- toujours en 2016, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et ses menaces répétées à l’égard des « alliés » européens, créant un nouveau défi pour les Européens en matière de sécurité et de défense, celui de l’autonomie stratégique.</span><br></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbhf6cx5cc" data-azat-pid="gbhf6cx5cc" id="gbhf6cx5cc" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gb9mpkcd4g"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Par ailleurs au tournant des années 2010, plusieurs voix s’élèvent en Europe pour s’inquiéter des difficultés rencontrées par les entreprises de la défense pour trouver des financements privés ou même simplement accéder à des services bancaires (cas des comptes en banque pour les PME). Un soutien financier européen à ce secteur peut ainsi permettre dans le même temps de défragmenter le marché, d’européaniser les chaînes de valeur et d’accroître l’attractivité du secteur pour les investisseurs. </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">C’est dans ce cadre que depuis 2016, la Commission a pris plusieurs initiatives que l’on peut apparenter à l’ébauche d’une politique industrielle de défense même si elles n’en portent jamais le nom et pour lesquelles, elle prend bien garde de rester sur les aspects industriels donc sur la restructuration de l’offre et dans une logique d’incitation à coopérer : </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- Le Fonds européen de défense finance la R&D de programmes industriels en coopération dans le domaine de la défense. Il faut en effet au moins 3 entreprises issues de 3 pays européens différents pour pouvoir bénéficier du fonds. Il est doté d’un budget de 8 milliards d’euros entre 2021 et 2027 ;</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- L’action de soutien à la production de munitions ou ASAP (the Act in Support of Ammunition Production) vise à financer la montée en puissance des capacités européennes de production de munitions et de missiles ; </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- L’EDIRPA ou European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act de 2023 finance les acquisitions conjointes d’armements </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">- La stratégie industrielle de défense (EDIS) et le programme qui lui est associé (EDIP) apparaissent un peu plus ambitieux mais ils continuent à s’appuyer largement sur le renforcement d’une base industrielle et technologique de défense pour renforcer la défense européenne, très peu (sauf peut-être en relation avec la guerre en Ukraine) est dit sur les enjeux purement militaires.</span></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbjb3rmw1d" data-azat-pid="gbl0p8aj5s" id="gbl0p8aj5s" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gb490wrmul"></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gb53kdbh42" data-azat-pid="gbs9wn6n3n" id="gbs9wn6n3n" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbd60atalv"><p style="text-align: justify;"><span style="color:#2980b9;"><span style="font-size:18px;"><strong></strong></span></span><span style="font-size:18px;">L’enjeu a toutefois clairement évolué pour la Commission entre le paquet défense de 2009 qui visait à créer une certaine forme de compétition entre les Bases Industrielles et Technologiques de Défense (BITD) nationales et les initiatives plus récentes dont l’objectif est de mieux garantir la production des capacités militaires nécessaires à la défense des européens : D’une logique de concurrence à une stratégie industrielle de défense capable de garantir une défense européenne, en quelque sorte… </span><br></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Force est de constater également que ces initiatives accélèrent depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Cette agression fut un nouveau « choc stratégique » pour tous les Européens (rappelons les alertes ignorées des EtatsUnis lorsque la Russie a commencé à masser des troupes à la frontière avec l’Ukraine). Lors d’un sommet informel organisé en mars 2022, les chefs d’Etat européens s’accordent dans la déclaration de Versailles sur l’urgence d’investir davantage et de manière plus coordonnée pour assurer la sécurité du continent : « Nous devons assumer une plus grande responsabilité pour notre sécurité et prendre des mesures concrètes pour renforcer nos capacités de défense, accroître nos investissements, stimuler notre base industrielle et technologique de défense et renforcer notre préparation face aux menaces hybrides. » C’est depuis cette date qu’émergent de nouvelles idées pour soutenir les industries de défense en Europe tels que des achats en commun (référence à l’ASAP), des projets européens d’intérêts communs (sorte de PIEEC de défense) pour développer des capacités communes en matière de défense ou encore de financements innovants (Eurobonds ou Security for Action for Europe - SAFE). Pour autant, le défi reste entier et les acquis fragiles. Le risque est grand en particulier qu’avec l’augmentation des budgets nationaux les Etats préfèrent renationaliser leur politique de défense et favoriser leurs propres intérêts de court terme. C’est pour contrer cela que dans son rapport Enrico Letta propose de relancer l’intégration du marché européen de la défense avec pour objectif la création d’un marché commun dont l’objectif ne serait plus comme en 2009 uniquement de stimuler la concurrence entre les entreprises mais plus d’assurer une plus grande capacité de production d’équipements militaires en Europe (l’autonomie stratégique) en facilitant la coopération entre les entreprises mais aussi les achats en commun pour les Etats et vers une européanisation des chaines de valeur.</span></p><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"></span></span></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbq50q2iky" data-azat-pid="gbrokgskh0" id="gbrokgskh0" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gbhlrm44r0"></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbqva4mlhh" data-azat-pid="gbqva4mlhh" id="gbqva4mlhh" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-row row az-row--sm" style="" id="gbngxtj1l7"><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gbfru3mpra"><div class="az-element az-text" style="" id="gbfm1so2zq"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="color:#0183bf;"><strong>Conclusion</strong></span> </span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;">Confrontée aux chocs géopolitiques, climatiques et technologiques, l’Europe a définitivement tourné la page du tabou « anti » politique industrielle et elle assume désormais un triple objectif : compétitivité, transition verte et sécurité économique. Pour autant, l’empilement d’outils – aides d’État assouplies, PIIEC, budgets communs – constitue déjà un arsenal sans précédent dont la cohérence reste toutefois perfectible : dispersion des règles, complexité des guichets et asymétries nationales. Le secteur de la défense illustre cette tension : l’émergence du fonds européen ou d’initiatives pour des acquisitions de munitions (ASAP), d’achats en commun (EDIRPA), d’un programme et d’une stratégie industriels marque une rupture, sans encore garantir l’échelle voulue. </span>​​​​​​​</p></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-6" style="" id="gby14y1opp"><div class="az-element az-image" id="gb3s5x7xn4"><img class="az-image-content " src="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... alt="" title="" style="width: 100%;"></div></div></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbqgfguvop" data-azat-pid="gbqgfguvop" id="gbqgfguvop" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-text" style="" id="gbjtke8nj2"><p style="text-align: justify;">​​​​​​​<span style="font-size:18px;">Pour passer du sursaut à la stratégie, il faudra mutualiser davantage les ressources, simplifier les cadres et articuler marché unique et préférences européennes. Ces choix décideront de la capacité de l’Europe à rester un acteur industriel majeur et à protéger ses citoyens dans un ordre mondial plus âpre. La fenêtre d’opportunité est là ; saisir cette « décennie productive » exige lucidité politique, investissement massif et gouvernance réellement européenne.</span></p></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbpg9xpz2i" data-azat-pid="gbpg9xpz2i" id="gbpg9xpz2i" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gb67ry4q91" data-azat-pid="gb67ry4q91" id="gb67ry4q91" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><hr class="az-element az-separator" style="border: none;" id="gbv7m8otc5"></div></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbxwujfgov" data-azat-pid="gbyav3hvh1" id="gbyav3hvh1" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-row row az-row--sm" style="" id="gb9pey6fhs"><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-2" style="" id="gbys230tyz"><div class="az-element az-image" id="gbdtmq7oou"><img class="az-image-content " src="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... alt="" title="" style="width: 100%;"></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-8" style="" id="gbjz9751nn"><div class="az-element az-text" style="" id="gb2kenf0r8"><p><span style="color:#0183bf;"><span style="font-size:20px;"><strong>Sylvie MATELLY</strong></span></span></p><p><span style="font-size:18px;">Directrice, Institut Jacques Delors</span></p><p><br></p></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-2" style="" id="gb787vtw5f"></div></div></div></div><div class="az-element az-section" style="" data-az-id="gbffpxuh8k" data-azat-pid="gbffpxuh8k" id="gbffpxuh8k" data-azb="az_section"><div class="az-ctnr container" data-azcnt="true"><div class="az-element az-row row az-row--sm" style="" id="gbx9flgzec"><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-2" style="" id="gbkml3vi3v"><div class="az-element az-image" id="gbvofzpikc"><img class="az-image-content " src="https://professionsfinancieres.com/sites/professionsfinancieres.com/file... alt="" title="" style="width: 100%;"></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-8" style="" id="gbnigmgt0l"><div class="az-element az-text" style="" id="gbc3idl8ny"><p><strong><span style="color:#0183bf;"><span style="font-size:20px;">Andreas EISL</span></span></strong></p><p><span style="font-size:18px;">Chercheur Senior, Institut Jacques Delors</span></p></div></div><div class="az-element az-ctnr az-column col-sm-2" style="" id="gbf2zajqah"></div></div></div></div><style><!-- .hover-style-gbqxtibahq:hover .az-button-content { color:#ffffff !important;border-color:#0183bf !important;background-color:#0183bf !important;} --></style>
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