DENIS KLEIBER, Co-animateur des Forums Mac Mahon
Le bonheur est devenu l’objectif suprême dans nos sociétés contemporaines. Mais comment quantifier le bonheur, notion subjective s’il en est ? Sur ces dernières décennies, des économistes se sont efforcés de le mesurer en analysant des enquêtes menées auprès de la population avec la richesse comme critère majeur du bonheur.
Professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris, Claudia Senik, spécialiste de l’économie du bien-être et de l’économie comportementale, a formulé dans son ouvrage « L’économie du bonheur » les diverses réponses, souvent controversées, aux questions que posent les résultats auxquels sont parvenus les économistes dans leurs recherches au cours de ces cinq dernières décennies.
« L’argent fait-il le bonheur ? La croissance rend-elle vraiment les gens plus heureux ? Dans le cas contraire, faut-il opter pour la décroissance, ou, du moins, mesurer le bien-être au-delà du PIB ? ... ». Il est difficile de répondre catégoriquement à ces questions, notamment à la lumière du « paradoxe d’Easterlin » qui remet en cause le lien entre revenu et bonheur sur le long terme. « Comment expliquer que l’on n’observe pas de tendance longue à la hausse du bonheur pendant les périodes de forte croissance, comme celle des Trente Glorieuses ? Une réponse serait que le bonheur de chacun dépend non pas de son niveau de vie, mais de l’écart avec celui d’autres personnes, ainsi que de l’écart par rapport à son niveau d’aspiration, ce dernier augmentant avec les progrès réalisés ». Ce caractère relatif du bonheur conduit ainsi à mettre en doute nos certitudes ; c’est l’un des intérêts de cet ouvrage.
Le dernier chapitre est consacré au « déficit du bonheur français ». De manière étonnante, les Français se déclarent en effet moins heureux que la plupart des autres Européens de l’ouest et ceci malgré un revenu par tête et un indice de développement humain (qui intègre le revenu par habitant, l’espérance de vie et le niveau d’éducation) égaux ou supérieurs. Cette situation paradoxale a donné lieu à de nombreuses recherches ; certaines ont conduit à imputer le pessimisme des Français, entre autres, « à leur réticence au changement (ce qui conduit à un résultat médiocre et renforce donc le pessimisme) et à la permanence d’une référence au passé, un passé perdu et idéalisé, comme celui de la grandeur de la France des Lumières… »
DENIS KLEIBER
Co-animateur des Forums Mac Mahon