Souveraineté numérique européenne :
l’ouverture de l’accès aux données financières
ne doit pas pénaliser le citoyen

Alors que les élections approchent, le Parlement européen a adopté in extremis, le 18 avril, sa position en commission des affaires économiques et monétaires sur le projet de nouveau cadre d’accès aux données financières (FIDA - Financial Data Access).

Le report de ce vote, les tractations entre les groupes politiques, la mobilisation des acteurs du secteur privé, notamment de certains géants technologiques non-européens, illustrent bien les enjeux considérables de ce projet de règlement dont la finalité est d’encadrer la mise en œuvre de l’Open Finance au niveau européen. Si la position du Parlement européen prévoit des garde-fous qui vont dans le bon sens, la prudence reste de mise pour la suite des négociations. De façon concrète, FIDA donnera la possibilité aux particuliers et aux entreprises de partager leurs données détenues par les institutions financières avec des tiers appelés « utilisateurs de donnés ». Ces tiers, par exemple des établissements financiers ou des plateformes numériques, pourront alors utiliser ces données. L’intégralité ou presque des données détenues par les banques et les assureurs pourrait être concernée par FIDA.

Avec cette initiative phare de la stratégie de finance numérique de l’UE, la Commission européenne souhaite accroitre la concurrence dans le secteur financier et favoriser l’innovation dans la conception des produits et services financiers. Si l’objectif est louable, une ouverture des données mal calibrée pourrait pénaliser le citoyen et fragiliser l’Union européenne.

L’enjeu de la souveraineté numérique de l’Union européenne a beaucoup cristallisé les débats au Parlement européen et à juste titre. L’ouverture des données des consommateurs pourrait notamment permettre aux géants du numérique américains – communément appelés les GAFAM - d’y accéder, de les utiliser en les croisant notamment avec les données dont ils disposent déjà à travers les réseaux sociaux, voire de les revendre. Cela présente des risques pour la protection des consommateurs européens.

L’enjeu de la souveraineté numérique de l’Union européenne a beaucoup cristallisé les débats au Parlement européen et à juste titre. L’ouverture des données des consommateurs pourrait notamment permettre aux géants du numérique américains – communément appelés les GAFAM - d’y accéder, de les utiliser en les croisant notamment avec les données dont ils disposent déjà à travers les réseaux sociaux, voire de les revendre. Cela présente des risques pour la protection des consommateurs européens.

Le texte de compromis voté en commission au Parlement européen le 18 avril prévoit des mesures pour limiter ce risque, témoignant ainsi d’une prise de conscience de la menace pesant sur la souveraineté numérique européenne. Saluons cette avancée. Pour autant, la prudence reste de mise en l’absence de certitude à ce stade que ces mesures soient suffisantes. Il faudra encore que les Etats membres les intègrent dans leur position et qu’ils traversent les négociations pour figurer dans le règlement final.

FIDA fait également courir un risque de démutualisation que la Commission européenne n’a sans doute pas mesuré. L’assurance est une activité très règlementée et de temps long pour laquelle l’utilisation des données est clé. La donnée est au cœur de notre métier d’assureur car c’est sur elle que repose la modélisation des risques et donc la tarification au plus juste pour l’assuré. La Matmut a toujours eu à cœur de s’appuyer sur des données de qualité confiées par ses sociétaires et d’en faire un usage interne le plus respectueux et le plus juste pour toujours améliorer l’expérience client et répondre au mieux aux besoins de ses assurés. Si des acteurs extérieurs qui ne sont pas forcément des assureurs, comme les GAFAM, ont accès très largement aux données des assurés, ils pourront choisir les meilleurs risques et les assurer à des tarifs très compétitifs. Les risques restants seront laissés aux assureurs historiques qui, pour pouvoir les supporter, seront obligés d’ajuster leurs tarifs à la hausse, potentiellement de façon très significative. Les risques seront démutualisés laissant place à une assurance à deux vitesses avec un accès très contraint pour certains consommateurs, souvent les plus vulnérables. L’essence même de l’assurance est de mettre en commun le risque, fragiliser ce principe de mutualisation est extrêmement dangereux.

Le chemin des négociations européennes sur FIDA est encore long et le diable est dans les détails. Comme évoqué plus haut, la position adoptée en commission du Parlement prévoit des garde-fous, dont certains restent fragiles et d’autres incomplets. En particulier, le renforcement du consentement du consommateur, l’exclusion des acteurs non-européens de l’accès aux données, la restriction du périmètre des données partagées et l’importance d’une approche progressive seront autant de points d’attention dans la poursuite des discussions européennes.

A la veille des élections européennes, il est essentiel que les Etats membres en prennent toute la mesure lorsqu’ils définiront leur position en vue des négociations avec le Parlement européen dans lesprochainsmois. Il en va d’une vraie souveraineté numérique européenne qui protège le consommateur européen.

Nicolas GOMART, 

Vice-président et Directeur général du Groupe Matmut