L’agence bancaire et les nouvelles organisations du travail
ou comment conjuguer flexibilité
et continuité de service

Jean-Hugues LOMBRY, Directeur Affaires Sociales Fédération Nationale Crédit Agricole


Le contexte marquant de ces dernières années est celui d’une accélération des transformations de l’organisation du travail. Ces évolutions rapides, aux causes multifactorielles, ont exigé que le management s’adapte dans les activités dont la continuité sur site doit pouvoir être assurée et dont la flexibilité n’est pas évidente. L’agence bancaire est l’exemple typique d’une organisation qui requiert la présence d’un ou plusieurs collaborateurs sur des plages de temps fixes d’ouverture au public et qui, à ce titre, peut-être perçu comme un environnement de travail incompatible avec la souplesse à laquelle aspire de nombreux salariés. Pour adapter leur organisation commerciale à ces nouveaux enjeux tout en respectant leur promesse client, les Caisses régionales de Crédit Agricole ont été amenées à mettre en place une palette de solutions assez large au niveau de leurs réseaux d’agences.

L’accélération des transformations du travail, un enjeu d’attractivité

Dans notre société contemporaine, le rapport au travail a fortement évolué, en lien avec la montée en puissance des aspirations individuelles. Les salariés expriment notamment une attente plus forte d’autonomie et de souplesse dans l’organisation de leur activité professionnelle. Parallèlement depuis la crise sanitaire, avec le développement accéléré du télétravail, la mise en place de ces nouvelles organisations, plus souples, moins contraignantes en termes de présence sur site s’est généralisée, spécifiquement dans les activités de services. Ce développement rapide a créé une concurrence nouvelle sur un marché de travail où les compétences sont de plus en plus disputées entre employeurs. Pour les candidats à potentiel, la capacité d’une entreprise à adapter l’organisation du travail à ses attentes est devenu un critère qui peut pénaliser les secteurs dont les activités sont soumises à une contrainte de présence sur site. Cette concurrence externe se double d’une concurrence interne, au sein même de l’entreprise entre les activités qui permettent une certaine souplesse d’organisation et celles qui exigent de la présence systématique. Cette situation est synonyme pour le management et les ressources humaines de difficultés à organiser des mobilités internes dans des secteurs considérés comme moins attractifs. Pour continuer à pourvoir leurs besoins et assurer la continuité de leur développement, toutes les entreprises, y compris celles qui doivent composer avec des contraintes présentielles, doivent trouver des solutions afin d’adapter leur modèle d’organisation. Cet enjeu d’image est de taille pour les banques dont les agences, du fait de leur contrainte d’ouverture au public, sont souvent perçues comme des environnements relativement peu compatibles avec la flexibilité horaire des collaborateurs.

Le modèle de l’agence bancaire à l’épreuve des nouvelles organisations du travail

Le modèle de l’agence bancaire est en France très largement plébiscité et participe pour neuf français sur dix de la bonne image qu’ils ont de leur banque selon une étude récente de la FBF [source : enquête FBF publiée le 5/02/2024].

Essentiel dans la relation client, ce modèle est exigeant en termes de ressources humaines dans la mesure où il suppose une présence et une disponibilité des équipes sur des plages d’heures fixes, la promesse étant celle d’un service continu sur rendez-vous ou pas. Cet environnement de travail structure aussi la vie d’équipe et la culture d’entreprise à l’échelle des réseaux bancaires puisqu’il suppose un fonctionnement collectif avec des règles qui laissent peu de marge de manoeuvre aux choix individuels. En fonction de la taille de l’agence, il peut être singulièrement incompatible avec des organisations de travail flexibles dans le temps et ouvertes dans l’espace.

Parallèlement, les activités bancaires sont aussi soumises à des normes de sécurité strictes. Les outils et les transactions permettant aux conseillers de mouvementer des valeurs ou des fonds ne sont pas opérables en tous lieux et à tout moment.

Jusqu’à la crise sanitaire, il semblait acquis dans les corps sociaux des banques que le télétravail serait difficile à déployer. Et même s’il était envisageable que certaines activités de back office voire de middle office soient compatibles avec une organisation du travail à
distance, le management préférait ne pas s’engager dans son déploiement au risque de favoriser ces situations de travail au détriment des activités de réseaux commerciaux avec des impacts significatifs sur la mobilité interne à ces entreprises. L’épisode du Covid qui s’est traduit par la mise en place accélérée de nouvelles organisations de travail dans les établissements bancaires, avec de nombreuses opérations devenues réalisables à distance pour garantir la continuité d’activité, a démontré que certaines contraintes pouvaient être dépassées. Il devenait dès lors difficile pour le management de penser qu’on pourrait revenir au statu quo ante. Ce d’autant que le télétravail s’est déployé à vitesse rapide dans la foulée de la crise concernant aujourd’hui plus de 25 % des salariés en France pour moins de 5 % avant Covid.

L’agence bancaire à l’heure de la flexibilité du travail : le cas des Caisses régionales de Crédit Agricole

Recruteurs dynamiques sur leurs territoires, particulièrement pour leurs réseaux, les Caisses régionales de Crédit Agricole ne pouvaient pas faire abstraction d’un environnement d’activités de services où un ou deux jours de télétravail par semaine devenaient progressivement la norme. Elles ont donc été amenées à repenser l’organisation du travail dans leurs agences pour répondre aux aspirations nouvelles de leurs
collaborateurs et rester attractives sur le marché de l’emploi.

Pour ce faire, elles se sont appuyées sur un diagnostic préalable de leurs organisations du travail pour mieux combiner les besoins de leurs clients, les contraintes organisationnelles de leurs entreprises et les attentes de leurs salariés. Les discussions et les négociations en découlant sont parties du terrain et de l’analyse du travail réel. Le télétravail a été appréhendé de manière globale pour prendre en compte toutes les situations de travail à distance y compris celles consistant à travailler dans un lieu différent de son affectation géographique habituelle. Le travail déplacé permet en effet de se rapprocher de son domicile en travaillant par exemple dans une agence plus proche que son lieu de travail habituel. Le maillage géographique des Caisses régionales de Crédit Agricole facilite en effet ce type de configuration. Parallèlement, chacune de nos entreprises a pu mettre en place par voie d’accord collectif ou de charte un télétravail dont le rythme est adapté à la nature des métiers exercés et aux conditions dans lesquelles ils sont exercés.​​​​​​​

Au-delà du télétravail, dont la mise en place en agence s’organise avec une fréquence adaptée aux enjeux de la continuité de service, de nombreuses Caisses régionales de Crédit Agricole ont imaginé un dispositif qui permet plus de flexibilité pour les horaires de travail des équipiers. Cette organisation, inédite dans le contexte d’une agence bancaire à horaires collectifs fixes, permet en effet de proposer aux clients des plages de rendez-vous en dehors des horaires d’ouverture habituels plus adaptés à leurs agendas professionnels et aux conseillers des plages variables de travail, plus compatibles avec leurs choix personnels.

Une telle organisation dite flexible suppose 3 conditions pour réussir : tout d’abord l’anticipation de plages souples de rendez-vous en dehors des horaires d’ouverture, ensuite le choix du client à l’origine du rendez-vous décalé, enfin une organisation d’équipe permettant d’assurer la continuité du service sur les plages d’ouverture au public. Mise en place depuis plusieurs mois, cette solution démontre qu’il est possible d’aménager une organisation du travail plus flexible dans une agence bancaire. Exigeante sur le plan managérial et organisationnel, elle permet de répondre aux attentes de nos clients et de satisfaire le besoin de flexibilité des collaborateurs. A terme, nous verrons si cette nouvelle flexibilité des horaires et lieux de travail dans nos réseaux d’agences auront produit de l’agilité, de la réactivité et de la continuité de service. Cette nouvelle organisation devrait aussi redessiner nos collectifs de travail qui deviennent de ce fait plus transverses et moins hiérarchiques pour collaborer en harmonie autour du client.


Jean-Hugues LOMBRY

Directeur Affaires Sociales Fédération Nationale Crédit Agricole