L'Open Finance : quelles tendances et quels impacts
pour les métiers financiers et les consommateurs ?



L'Open Finance apparait dans le secteur financier comme un élargissement de l'Open Banking dont on peut dater la naissance à 2007 (année de l'adoption en Europede la DSP (Directive sur les Services de Paiement) remplacée par la DSP2 à partir de 2015. L'objectif à l'origine visait à ouvrir le marché des paiements tout en protégeant le consommateur en exigeant son consentement, dans le but de stimuler l'innovation, la concurrence et l'inclusion. L'Open Finance à des objectifs assez proches, mais va plus loin en élargissant l'accès à l'ensemble des données financières des consommateurs et des entreprises à des tiers, Cette évolution est rendue possible grâce aux avancées technologiques telles que notamment les API (interfaces de programmation d'applications), mais également l'intelligence artificielle et la blockchain.


Tendances de l'Open Finance

A l'instar des agrégateurs de comptes bancaires encouragés par la DSP (on peut citer Bankin ou Linxo en France), l'Open Finance renforce l'essor des plateformes d'agrégation de données financières : Ces dernières permettent aux consommateurs de regrouper et de visualiser toutes leurs données financières en un seul endroit, facilitant ainsi la gestion de leurs financespersonnelles. Ces plateformes peuvent également offrir des services de conseil financier personnalisé, dans la gestion de leurs dettes ou de leur patrimoine financier, ainsi que de l'optimisation fiscale. Les plateformes se retrouvent alors entre les utilisateurs et les banques, éloignant ces dernières du contact avec les clients dont elles hébergent pourtant les comptes.

Le développement de ces plateformes est favorisé par l'existence des API qui permettent à des logiciels de communiquer entre eux. Il est alors possible à différentes applications de se connecter et de partager des données et des fonctionnalités de manière simple et standardisée. Cette évolution a favorisé l'émergence des stratégies de banques en tant que service (BaaS : Banking as a Service). Les BaaS permettent aux entreprises de proposer des services bancaires à leurs clients sans avoir à obtenir une licence bancaire. Les banques peuvent ainsi offrir leurs services à des tiers via des API, ce qui permet aux entreprises de proposer des services financiers intégrés à leur offre principale sans supporter le coût de développement interne ainsi que la contrainte réglementaire liée. Si on se réfère à la théorie des coûts
de transaction, nous sommes passés en quelques années d'un modèle très intégrateur, dans lequel la hiérarchie supplante la relation de marché et favorise les opérations de croissance externe (cf la taille croissante de banques et des assurances de 1990 à 2010) à un modèle plus ouvert dans lequel la coopération entre organisations (banques, assurances, fintech…) devient la norme. Il ne s'agit plus de grossir, posséder, contrôler et tout offrir mais de faciliter l'accès pour ses clients à des services divers.


Cette évolution technologique et organisationnelle encourage la collaboration entre les différents acteurs du secteur financier et les acteurs technologiques. Depuis quelques années, les partenariats entre les banques et les fintechs se multiplient (Pledg, Treezor, Nickel…) pour proposer des services innovants et répondre aux attentes des consommateurs.

Avec l'Open Finance on assiste à l'émergence de nouveaux modèles d'affaires tels que les plateformes de prêt entre particuliers, de financement participatif ainsi que les néobanques. Ces nouveaux acteurs proposent des services financiers innovants et souvent moins coûteux que les acteurs traditionnels.

Impacts pour les métiers financiers 

L'Open Finance favorise l'émergence de nouveaux acteurs sur le marché, ce qui entraîne une concurrence accrue pour les acteurs traditionnels. Les banques et les assureurs doivent donc s'adapter et innover pour rester compétitifs dans un marché évoluant très rapidement après des années de non contestabilité qui n'a vu l'arrivée que de très peu de nouveaux entrants.


Par ailleurs, l'Open Finance nécessite de nouvelles compétences telles que la maîtrise des API, la gestion des données et la cybersécurité. Les professionnels de la finance doivent donc se former et s'adapter pour répondre aux nouveaux enjeux du secteur qui vont aujourd'hui audelà de la seule technique financière.

Impacts pour les consommateurs


L'idée qui prévaut aux démarches d'Open Finance est de permettre une meilleure expérience utilisateur. L'Open Finance doit donc permettre aux consommateurs de bénéficier d'une expérience utilisateur plus fluide et plus personnalisée. Ils peuvent accéder à une vue d'ensemble de leurs finances, bénéficier de conseils personnalisés et effectuer des transactions en temps réel.

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Une révolution significative dans les comportements de consommation, au-delà de la finance, est apparu avec l'iPhone en 2007. Il est possible aujourd'hui de se renseigner, de choisir et de consommer à tout instant de la journée et en tout lieu géographique. La finance n'échappe pas à cette révolution et sans aller jusqu'au modèle chinois, dans lequel WeChat et Alipay permettent d'intégrer une quasi-infinité de services dans une même application, nous voyons bien que la frontière entre les services financiers, et les services non financiers s'estompe, au moins ce qui concerne l'expérience utilisateur. Des applications comme Lydia ou Revolut montre une évolution stratégique possible dans le cadre européen avec des applications qui offrent des services dépassant le cadre de la finance. 

​​​​​​​Dans une démarche plus centrée sur la finance, Robinhood, aux Etats-Unis, offre une plateforme sans aucune commission pour l'investissement en actions, en options et en cryptomonnaies, ainsi que des fonctionnalités supplémentaires telles que le fractionnement d'actions. Avec son modèle économique très diffèrent de ses concurrents, Robinhood a rapidement attiré un nombre très important de jeunes utilisateurs séduits par la simplicité et le coût très faible.


Cette évolution s'accompagne d'une plus grande transparence permettant aux consommateurs de mieux comprendre les produits et services financiers proposés et surtout de comparer les offres plus facilement. L'apport de la blockchain, même s'il est encore embryonnaire aujourd'hui au regard de son potentiel, est évident. La blockchain permet d'aller au-delà de l'ouverture financière en permettant une décentralisation encore plus forte des décisions et des droits de propriété.

Même si cet aspect n'apparaît pas toujours évident dans un pays comme la France dans lequel le taux de bancarisation est très important, l'Open Finance peut contribuer à réduire les inégalités d'accès aux services financiers en permettant aux populations sous-bancarisées voire non bancarisées d'accéder à des services financiers via des plateformes numériques.


L'Open Finance transforme en profondeur le secteur financier en favorisant l'innovation, la concurrence et l'inclusion financière. Les acteurs traditionnels s'adaptent pour rester compétitifs, tandis que les consommateurs bénéficient d'une meilleure expérience utilisateur, d'une plus grande transparence et d'une inclusion financière accrue. Le risque aujourd'hui est de voir cette ouverture se refermer au profit de GAFA centralisés dont les modes de coopération sont bien souvent des modes d'intégration et de domination. Laisser la place aux GAFA entrainerait le secteur financier à retourner à un modèle intégré et centralisé, au détriment du consommateur. L'offre aurait alors changé de fournisseurs, mais l'ouverture et la décentralisation n'aurait été qu'un feu de paille.



Hervé ALEXANDRE, 

Professeur à l’Université Paris Dauphine - PSL, Directeur de la Chaire Fintech