2020 Une année géopolitique au prisme de l’Histoire

Le dernier ouvrage de Thomas Flichy de La Neuville, titulaire de chaire de géopolitique de Rennes School of Business entreprend un exercice original : passer les grands événements de l’année 2020 au prisme de l’histoire afin de leur donner du sens. La tendance de fond qui se dessine est la suivante : la mondialisation technologique en cours, loin d’effacer les identités culturelles et politiques, les aiguise. La transition 2010-2030 rappelle en cela celle que connut l’Europe entre 1340 et 1400. Au début du XIIIe siècle, les banquiers vénitiens font tout pour éviter l’émergence de gouvernements nationaux forts, comme celui d’Edouard III d’Angleterre. Pour ces banquiers, le modèle politique à abattre est celui de Frédéric II Hohenstaufen, saint empereur romain germanique de la seconde moitié du XIIIe siècle. Dans ce contexte, il ne sert à rien pour Dante Alighieri de vanter le modèle de Frédéric II dans De Monarchia. Venise force Dante à quitter Florence et fait la promotion d’une contre-littérature. Il s’agit des ouvrages de Bartolomée de Lucca ou de Marsile de Padoue. Les banquiers vénitiens finissent par ligoter financièrement des embryons d’Etat comme l’Angleterre, la France et l’Espagne. Puis, la banque vénitienne génère une gigantesque bulle financière qui paralyse la production et vient éclater en 1345. Ces répétitions historiques permettent d’anticiper ce que sera le monde à venir. Plusieurs tendances apparaissent à l’horizon. En France, le rapprochement de l’échéance des élections présidentielles va accroitre la distance entre le chef de l’État et son propre gouvernement. Le président de la république va donc continuer à mettre en œuvre une diplomatie parallèle contredisant la posture de son propre ministre des affaires étrangères, à l’instar de ce qui se fit sous le règne de Louis XV. Aux États-Unis, la population continuera à mimer le déclenchement d’une nouvelle guerre civile, aidée en cela par l’émergence des milices armées anti-confinement. En Russie, Vladimir Poutine devra compenser par un surcroît de mise en scène les errements de la gestion initiale du covid-19. Toutefois l’inflexion la plus importante pourrait être la suivante : conscients de leur dépendance médicale et industrielle envers la Chine, les États-Unis pourraient promouvoir la démondialisation à partir du moment où celle-ci ne profite plus aux élites intermédiaires qui se sont emparées depuis longtemps des rênes du commerce. Leur stratégie constituera alors à freiner la mise en place du réseau 5G profitant en premier lieu à la Chine, en encourageant les Européens à relocaliser les industries vitales dans leur étranger proche. Ceci profitera en premier lieu au Maghreb et aux Balkans. Sur le plan agricole enfin, une nouvelle politique fiscale encouragera les filières courtes tout comme l’autosuffisance alimentaire. Les campagnes reculées, bénéficiant désormais d’une connexion internet en seront les premières bénéficiaires.

Auteur Thomas FLICHY DE LA NEUVILLE « 2020 Une année géopolitique » - Editions BIOS