Post COVID-19, la finance sera durable ou ne sera pas

Le monde est confronté à des défis importants pour assurer un avenir durable à nos populations et à notre planète. De nombreuses initiatives nationales et internationales ont été mises en place, parmi lesquelles l’accord de Paris signé par 195 pays en décembre 2015, visant à limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C. Cela a été une étape significative pour nos sociétés, car il s’agit du tout premier accord juridiquement contraignant pour lutter contre le changement climatique.

Aujourd’hui, l’industrie financière et les entreprises ont un rôle clé à jouer dans la transition vers une société non seulement plus respectueuse de l’environnement, mais également plus responsable vis-à-vis des citoyens et de sa propre organisation. Les critères ESG, concernant des éléments environnementaux, sociaux et de gouvernance, sont utilisés pour analyser la performance extra-financière des entreprises et permettent aux investisseurs de mieux diriger l’allocation de leurs actifs au profit d’entreprises qui se sont engagées dans une démarche plus responsable.

Nous constatons que la demande d’actifs socialement responsables augmente. L’Europe représente la plus grande concentration d’actifs d’investissement durables au monde, avec un total de 33,14 milliards de dollars investis au 1er trimestre 2020, soit 72,5% des encours mondiaux1 . Sur les marchés d’Euronext, les sociétés du secteur « cleantech » ont levé près de 3,8 milliards d’euros en actions depuis 2013, et près de 500 millions d’euros depuis le début de l’année 2020.

De la même manière, les entreprises sont de plus en plus incitées par les investisseurs, à divulguer davantage d’informations extra-financières pertinentes, ce qui représente pour elles de réelles opportunités mais également des défis majeurs.

Permettre aux entreprises de bénéficier de plus d’allocation de capital

L’allocation de capital est une incitation essentielle pour les entreprises à poursuivre la transition de leurs activités et à accroître leur niveau de transparence concernant les informations extra-financières. Un certain nombre d’initiatives ont été lancées, essentiellement axées sur les obligations et les indices à ce stade.

Au sein d’Euronext, nous développons les moyens de contribuer à un processus d’allocation de capital plus durable, au premier rang

desquels :


  • L’éducation : plus de 50 % des sociétés cotées en Europe2 ne sont pas soumises à ce jour à la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), alors que nous observons une augmentation de 72 %3 du nombre de réglementations et initiatives non financières de l’UE depuis 2013. Conscients de cette complexité, nous mettons en place des initiatives pour les sociétés cotées en bourse afin d’accélérer leur cheminement vers une nouvelle vision à long terme, tout en les dotant d’outils leur permettant de comprendre et de communiquer aux investisseurs les informations pertinentes qui leur sont nécessaires.


  • Le financement : afin de promouvoir les sociétés engagées vers une démarche plus responsable, nous élaborons des produits, des labels et des compartiments de marché. Nous avons récemment complété notre offre ESG : par la création d’un nouvel indice Euronext Eurozone ESG Large 80 avec Vigeo Eiris, ou encore avec l’extension de notre compartiment obligataire ESG à tous les types d’obligations ESG, avec un accent particulier sur les « Blue Bonds ».


Aujourd’hui, Euronext est la principale place de marché mondiale pour la cotation d’obligations, avec 40 000 produits. Plus de 300 obligations ESG émises par près de 130 émetteurs sont cotées sur nos marchés. Nous comptons plus de 40 indices ESG, et la création d’indices ESG a représenté 82% de nos nouveaux lancements d’indices en 2019.


  • Le conseil et l’accompagnement : à travers notre filiale Euronext Corporate Services, nous proposons une offre de conseil sur-mesure pour aider les entreprises cotées à construire et communiquer le pilier ESG de leur equity story afin d’attirer de nouveaux investisseurs et d’améliorer la perception du marché de leur stratégie RSE. Nous proposons également des solutions de digitalisation pour les roadshows et des outils de gouvernance dématérialisés, pour permettre aux entreprises de limiter leur impact environnemental.

Un manque d’harmonisation des normes de reporting pour les entreprises

Plusieurs standards existent pour guider les efforts de reporting ESG des entreprises, parmi lesquels ceux du GRI (Global Reporting Initiative) ou encore de l’IIRC (International Integrated Reporting Council). Nous constatons que les émetteurs matures sur le plan ESG ont désormais tendance à suivre les recommandations du TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures). L’adoption de la taxonomie européenne devrait apporter plus de clarté par la création d’un langage commun aux investisseurs et aux émetteurs. Cependant, elle se révèle très dense et assez sophistiquée. Les participants de marché devraient maintenant trouver des moyens de la rendre opérationnelle et exploitable.

Dans l’intervalle, nous avons publié un guide de reporting ESG à destination de nos émetteurs, afin de leur fournir un cadre simple et une aide à la préparation de leur rapport ESG. Notre guide, accessible gratuitement sur notre site internet, est destiné à des émetteurs moins matures sur le sujet, en complément des normes publiées.

Plus d’ESG dans un monde post COVID-19 ?

Avec l’augmentation des normes réglementaires et l’appétit croissant des investisseurs pour les actifs durables, les entreprises vont inéluctablement accélérer leur transition écologique et sociale. De nombreux éléments soulignent cette tendance :


  • Un niveau croissant de maturité des sociétés cotées sur les thématiques ESG : à la suite de deux consultations que nous avons réalisées en 2018 et 2020, nous observons des progrès significatifs en ce qui concerne la sensibilisation, la compréhension et la gestion des sujets ESG au sein des sociétés cotées. Cela témoigne d’un engagement grandissant motivé par les entreprises. L’impulsion de Danone, qui a annoncé devenir la première « société à mission » pendant la crise sanitaire, en est une bonne illustration


  • Une vision long-terme de la performance : nous constatons que les actifs responsables se sont mieux comportés tout au long de la crise, moins affectés par les turbulences du marché et plus aptes à rebondir dans le monde de l’après-crise. Les valeurs de l’indice Euronext Eurozone ESG Large 80, qui analyse la performance ESG des 80 plus grandes capitalisations sur Euronext, ont mieux résisté depuis le début de la crise : -15% contre -18% pour l’Euronext 1004 .


  • Vers un cadre de finance durable plus formalisé : L’écosystème, la réglementation et la pression des investisseurs ne feront qu’augmenter à mesure que nous avancerons dans le cadre du plan de financement durable de la Commission européenne. En France plus particulièrement, les plans de développement durable sont accélérés dans l’ensemble du secteur financier, avec un bon bilan et des objectifs de plus en plus ambitieux.

En conclusion, la transition vers une finance et une société plus durables est en marche. La crise sanitaire accélérant cette transition, les sociétés déjà engagées dans leur transformation rencontreront plus d’acteurs financiers pour soutenir leur croissance. A nous, entreprises, infrastructures de marché, organisations et instances citoyennes, de poursuivre nos efforts vers un monde plus responsable et durable.

Sources :

Anthony ATTIA, Président-directeur général d’Euronext Paris SA, directeur Groupe du Listing et du Post-Marché.