Forte d'une expérience de 20 ans dans le capital-risque, Marie Ekeland a créé 2050 pour financer les acteurs pivots de la transition durable. Sa stratégie s'appuyant sur la construction d'un savoir partagé et une approche écosystémique, elle a monté une équipe aux compétences multiples, qui a déjà concrétisé huit investissements. Explications.
L’été dramatique qui vient de s’écouler ne fait que le confirmer : la transformation à laquelle nous faisons face s’accélère. Elle s’immisce dans toutes les strates de notre vie quotidienne, du climat à l’alimentation et la santé, en passant par des tensions sociales et géopolitiques en forte hausse. Cette vague vient abruptement succéder, ou plutôt s’entremêler, à la révolution numérique avec plusieurs similitudes.
Les jeunes, les entrepreneurs et les chercheurs se retrouvent une nouvelle fois en première ligne avec la nécessité d’innover dans tous les secteurs, partout dans le monde et pour toutes les populations, avec un nouveau jeu de contraintes et d’opportunités.
La rapidité à laquelle s’imposent les nouveaux usages nous surprend une fois de plus et dépasse les organisations, encore en train d’absorber la révolution d’avant. Dorénavant, les consommateurs demandent de plus en plus de produits responsables, les talents, notamment les jeunes, favorisent les entreprises à mission et les investisseurs individuels réclament en priorité des produits financiers à impact positif sur la planète et la société.
Une nouvelle fois, les cadres réglementaires et les institutions nous semblent obsolètes. Mais cette fois-ci elles jouent résolument un rôle d’entraînement, d’expérimentation et d’incitation avec les réglementations ESG ou les grands plans d’investissement dans la transition en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine.
Un nouveau cycle commence donc. Mais cette fois un ingrédient incontournable s’y impose : les limites de notre planète.
C’est dans ce cadre que 2050 a été créé il y a deux ans, avec pour mission explicite de financer un futur fertile. Un futur qui soit productif, inventif, créateur de richesses, de liens et d’opportunités pour tous, mais également résilient par nature, inclusif et offrant des espaces de liberté pour que chacun y trouve sa place.
Pour atteindre cette mission, nous l’avons décomposée en cinq objectifs essentiels à atteindre d’ici 2050, qui constituent les piliers de notre stratégie d’investissement :
Manger sainement et suffisamment en faisant évoluer le système agro-alimentaire pour qu’il puisse tous nous nourrir quelles que soient les évolutions climatiques, tout en étant l’un des piliers de la biodiversité et de notre santé.
Prendre soin de notre corps et de notre esprit afin de garantir les fondamentaux de notre santé au quotidien, renforcer notre système immunitaire et améliorer le lien social, réel et virtuel au travail comme à la maison.
Construire des modèles éducatifs et culturels qui intègrent les transformations environnementales, sociales et numériques, créent les nouveaux rôle modèles et libèrent l’inventivité pour relever les défis contemporains.
Rendre pérennes nos modèles d’habitat, de vie commune, de transport, de consommation d’énergie et de production industrielle.
Permettre à chacun d’accéder à une tranquillité d’esprit malgré les bouleversements annoncés grâce à des systèmes assurantiel, bancaire et médiatique de confiance.
Pour concrétiser ce futur, notre approche se veut écosystémique et notre méthodologie alignée avec les intérêts communs à long terme.
Ecosystémique car nous investissons dans des entreprises à différents stades de développement, de l’amorçage au « late stage », partout en Europe et à tous les maillons de la chaîne de valeur des industries ciblées. Mais aussi car nous finançons des ressources ouvertes et stratégiques, des “communs” (comme de la recherche ou du savoir partagé, des infrastructures open source, du plaidoyer…), qui viennent nourrir les entreprises de notre portefeuille. Ces “communs” sont financés par une mécanique de contribution systématique auprès de la société de gestion (10% de droits d’entrée et 50% des commissions de performance de l’équipe), ne font l’objet d’aucune attente de retour financier direct, mais sont décidés stratégiquement dans le but d’accélérer la transition d’un marché et de donner un coup d’avance aux entreprises du portefeuille. Dans la même logique, Elon Musk avait publié en 2018 l’ensemble des brevets de Tesla afin d’asseoir son leadership en faisant largement adopter ses technologies et en accélérant la transition du secteur automobile vers l’électrique. On a vu le résultat !
Pour nous aligner avec les intérêts communs à long terme, notre véhicule d’investissement est de type « evergreen », ce qui permet notamment de renouer avec la possibilité du temps long tout en permettant un temps plus court, à la fois pour les entrepreneurs, et pour nos investisseurs à qui nous voulons offrir un horizon de sortie plus flexible en levant des fonds tout au long de l’année. Nous avons aussi voulu aligner parfaitement nos intérêts financiers avec ceux de nos parties prenantes, et avons pour ce faire, opté pour une gouvernance via un fonds de pérennité, désormais seul associé de notre société de gestion. Son conseil d’administration est composé de représentants de nos différentes parties prenantes ; il vote le budget de fonctionnement de l’équipe de gestion et est garant du respect de la mission de 2050 dans le temps.
Deux ans après sa création, 2050 a concrétisé sa vision à travers l’investissement dans huit start-ups, soutenu quatre “communs” et gère plus de 100 millions d’euros. Mais pour mieux comprendre la manière dont nous fonctionnons, prenons l’exemple du carbone, l’une des thématiques que nous avons le plus explorée à ce jour. A l’origine, un travail de « deep dive » mené par l’un des membres de notre équipe a permis de dresser un panorama des grands enjeux, mais aussi d’identifier les nœuds empêchant les acteurs économiques de basculer vers une démarche fertile limitant les émissions de gaz à effet de serre.
A la sortie de cet exercice, il est apparu nécessaire de permettre aux individus de mieux comprendre le fonctionnement du climat et de son dérèglement actuel. Nous avons donc financé l’écriture d’un cours scientifique donné à l’ensemble des étudiants de première année à l’université Paris-Dauphine, et qui est en licence libre (Creative Commons) pour faciliter son déploiement. Cette approche inédite nous a aussi mis sur le chemin d’entreprises attaquant le sujet sous différents angles, et dont certaines ont été financées par 2050, illustrant notre double stratégie multi-stade et internationale :
Sweep édite un logiciel destiné aux entreprises pour leur permettre de cartographier précisément leurs émissions de CO2 sur leur chaîne de valeur puis de les aider à les réduire. Entrés à son capital dès l’amorçage en 2021, nous avons depuis participé à deux autres tours de financement dont le dernier avec Coatue démultipliant sa valorisation. A sa tête, Rachel Delacour, une multi-entrepreneuse qui a réussi à réunir autour d’elle une équipe plurielle et ambitieuse peut compter une centaine de clients dont des grands comptes comme Saint-Gobain ou JCDecaux. Elle a aussi veillé à ce que Sweep soit, dès l’inception, une entreprise à mission, certifiée B-Corp.
Paebbl est une pépite suédoise encore sous le radar qui transforme le dioxyde de carbone en nouveaux matériaux destinés à l’industrie du papier ou du ciment. Accompagnée par 2050 dès ses débuts, elle illustre notre volonté d’intervenir là où les potentiels transformateurs sont les plus élevés que l’on a pu identifier lors de notre « deep dive ».
Fifteen est quant à elle l’entreprise la plus mature dans laquelle nous avons pris une participation. Elle conçoit des flottes de vélos électriques partagées. Issue d’une fusion entre deux sociétés (Zoov et Smoove), la nouvelle entité a levé 40 millions d’euros en mars dernier, tour auquel 2050 a participé afin d’accélérer la vision d’une ville où tous les services essentiels puissent être accessibles à moins de quinze minutes de marche ou de vélo.
Ces trois investissements, tout comme les cinq autres, donnent vie à notre mission de créer un monde fertile d’ici 2050. Le compte à rebours est lancé et l’actualité exige l’accélération des moyens mis en œuvre pour y parvenir. C’est pourquoi nous poursuivons notre objectif d’atteindre le milliard d’euros sous gestion d’ici cinq ans, tout en renforçant notre approche de savoir partagé. Avec l’espoir de créer un rôle model aligné dans l’industrie financière, qui permettra de faciliter la transition durable de ce secteur, clé de voûte de l’ensemble de l’économie.
Marie EKELAND
Fondatrice de 2050
Guillaume BREGERAS
CKO pour Chief Knowledge Officer